Affaires d’initiés, la BNS sera moins naïve


«La BNS tire les leçons de la chute éclair de l’action Credit Suisse», titre un quotidien romand. Il aurait pu ajouter: ce n’est pas trop tôt!

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Il a fallu attendre en effet que des rumeurs d’opérations d’initiés jettent, une fois de plus, une ombre sur son image pour que la BNS annonce la révision de sa pratique d’information. Désormais, elle ne se fiera plus à l’embargo pour distiller à l’avance des éléments figurant dans son rapport annuel.

Lundi 11 juin 2012, un groupe de journalistes triés sur le volet apprenaient, sous embargo, que la BNS tapait sur les doigt du Credit Suisse en lui imposant de relever sa dotation en fonds propres. Jeudi, la BNS confirmait la nouvelle officiellement lors d’une conférence de presse, provoquant l’effondrement du cours du titre Credit Suisse. Dévissant de 10%, celui-ci a touché un plancher jamais atteint depuis 1993, avant de remonter vendredi 15 juin.

Le même jour, la banque Notenstein, l’ex-banque Wegelin, avançait l’hypothèse d’opérations d’initiés. Elle relevait que des échanges dits d’options «put», anticipant une baisse de l’action Credit Suisse, avaient eu lieu la veille. S’agissait-il de l’intuition d’investisseurs particulièrement futés? Ou bien de l’utilisation d’informations circulant sous le manteau?

La BNS relativise en rappelant que ses avertissements étaient dans l’air depuis un certain temps déjà. Naïveté ou légèreté de la part d’un établissement dont on attendrait davantage de rigueur après l’affaire Hildebrand, qui reste, quoi qu’on en dise, liée à la problématique de l’utilisation à des fins personnelles d’informations confidentielles? Début 2012, la démission de l’ancien PDG avait entaché sérieusement l’image de la BNS.

On peut aussi se poser la question de savoir pourquoi la Bourse suisse et la Finma, les gendarmes de la finance, n’ont pas réagi, alors que la première aurait pu ouvrir une enquête. Aurait-elle dû le faire? Sa mansuétude apparente est cocasse quand on la met en parallèle avec le vote tout récent du parlement suisse, appelant à un durcissement de la législation sur les délits boursiers.

On se demande en tout cas comment le système a pu tenir sans dérapage majeur à ce jour. Et l’on peut regretter une fois de plus que la Suisse attende les réprimandes des organismes chargés de réglementer le marché boursier, comme le Groupe d’action financière, le GAFI, pour se mettre au diapason de la bonne conduite en matière de gouvernance. Désormais les délits d’initiés «graves» seront assimilés à du blanchiment d’argent et punis comme tel. La longueur des peines privatives de liberté prendra l’ascenseur et la Suisse pourra ratifier le cœur léger la Convention du Conseil de l’Europe contre le blanchiment d’argent.

Autre chose en sera l’application. L’expérience le montre, le délit d’initié est l’un des plus difficiles à prouver, les cas de condamnations en Suisse ont été à ce jour rarissimes.

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