Quelles sont les sources de l’information en Syrie? Jeudi 6 septembre 2012, ils n’étaient que sept journalistes à s’être déplacés au Centre romand de formation des journalistes à Lausanne pour écouter Fabrice Balanche, chercheur à Uni Lyon 2 et spécialiste de la Syrie, s’exprimer sur un thème dont dépend tous les jours l’actualité depuis de longs mois. Petit florilège de l’intervention.
«Au Moyen-Orient, il n’existe pas véritablement de médias indépendants ou objectifs. Les dépêches qui proviennent de la région sont partisanes. Télévisions ou journaux sont aux mains des Saoudiens ou des Emiratis. La presse est manipulée par des maîtres-chanteurs.»
«Les reporters étrangers n’ont pas d’interlocuteurs fiables. Qui est rebelle, qui est civil? Difficile de le dire au premier abord.»
«Pourquoi les médias occidentaux répercutent-ils en boucle des informations biaisées? Parce que les rédactions sont remplies de stagiaires qui ne comprennent rien. Ils ne saisissent pas que la France est en guerre en Syrie et que l’information vient de l’AFP, une agence proche du gouvernement français.»
«Le journaliste étranger est confronté au problème de la langue. Si un interprète l’accompagne, les gens ne se confient pas.»
«L’Observatoire syrien des droits de l’homme, dont l’un de ses fondateurs est connu pour avoir détourné de l’argent à la suite de malversations, est-il proche des Frères musulmans? Cette source quotidienne que reprennent les médias occidentaux en a en tout cas le profil.»
Bonne analyse qui devrait rendre les journalistes tellement modestes et autocritiques. Mais en sont-ils capables?
je regrette de n’avoir pas pu assister à cette conférence mais déplore surtout le fait qu’il y ait eu aussi peu de journalistes qui se soient déplacés. Cependant, est-ce étonnant?
La manière complètement partiale avec laquelle la presse « communique » sur un contexte aussi complexe que méconnu démontre à quel point elle est toujours plus friande d’un « récit » qu’elle « angle », construit et répète à l’envi, dans une spirale où s’évanouit toujours un peu plus la nécessité du réel.. La dérive est inquiétante.
Les réflexions de Fabrice Balanche convergent avec le regard critique de Tzvetan Todorov dans son dernier livre, troublant et nécessaire, « Les ennemis intimes de la démocratie ». Ces intellectuels font leur travail. Ils nous bousculent et nous rappellent cette permanente urgence de « mettre en question » et de prendre du recul face à ces « récits » dangereusement confortables qui nous racontent ce que l’on croit déjà connaître et donc que l’on a envie d’entendre, .. tandis qu’à quelques heures d’avion de là, un pays, qui fut un des berceaux de la civilisation, s’enfonce chaque jour un peu plus dans la tragédie…