Les ravages vrombissants du «Dakar» inquiètent les archéologues au Pérou


Or donc, le bien mal nommé Paris-Dakar lancera le 5 janvier les 155 voitures, 75 camions, 189 motos et 40 quads à travers les routes et paysages du Pérou, du Chili et d’Argentine.

PAR PIERRE ROTTET

Arrivé lors de sa précédente édition à Lima, bien loin de Dakar, il partira cette année de la capitale péruvienne, à près de 10.000 kilomètres de Paris. Et sans les pneus neige, dans cet été que vivent actuellement les cieux sous l’hémisphère sud.

Dans le quartier de Chorillo, à Lima, sur les plages qui bordent le Pacifique, les monstres, sous forme de camions, sont alignés, ainsi que l’ensemble des véhicules. Ils sont dévorés des yeux par un public bon enfant. On y vient en famille, sur ces plages, en ces vacances estivales. L’affaire valait bien le déplacement du président Humala, venu saluer les participants à cette course désormais exilée. Les commerçants de Lima se frottent les mains. Il y a de quoi: les hôtels de qualité affichent complets depuis longtemps. Et les restaurants, terrasses inclues, des quartiers chics ou à la mode de la capitale laissent volontiers les indigènes passer leur chemin. Pour cause de sur-occupation de leurs établissements. Ca roule pour eux. Et les équipages pensent bien davantage à se la remplir, la panse, plutôt qu’à leur itinéraire, à des étapes cent pour cent sablonneuses, caillouteuses, étapes de relief, de désert, et de cordillère des Andes à franchir à deux reprises…

Reste que la version 2013 qui accueille ce «Dakar», désormais au Pérou, est loin de faire l’unanimité. Les paléontologues s’insurgent déjà: le passage de véhicules et la pollution qu’ils génèrent risquent d’altérer considérablement la richesse archéologique, un peu partout sur le tracé de ce «Dakar» sur sol péruvien, entre autres. Et notamment du côté d’Ica, qui abrite les fameux géoglyphes de Nasca. Surtout qu’une nouvelle découverte archéologique – une nouvelle ligne, sous la terre – vient d’être mise à jour, histoire de compléter un véritable trésor.

Le directeur de l’Institut de paléontologie péruvien, Carlos Vidoso, est monté au créneau pour se plaindre du manque d’information de la part des organisateurs de cette course motorisée. En dehors des lignes de Nasca, le désert d’Ica cache le plus grand cimetière de fossiles au monde, datant du Miocène, où gisent des restes d’invertébrés aussi bien que de grands mammifères… Or, l’an dernier, se plaignent les archéologues péruviens, de gros dégâts, certains irrémédiables, ont été causés lors du passage de ces monstres, de ces bolides. Par les spectateurs aussi. Au ministère de la culture et des biens environnementaux, on s’est empressé de minimiser. Pour assurer que rien de tel n’allait se produire cette année. Même chanson du côté des organisateurs, qui assurent que toutes les mesures ont été prises en étudiant le parcours. Ce qui n’a de loin pas rassuré les archéologues en question. Les affaires sont les affaires, le fric que génère ce pseudo-Dakar et le coup de projecteur sur le pays, avec son impact touristique, valent bien le sacrifice de quelques cailloux. Fussent-ils historiques et vieux de millions d’années. Le Pérou n’est pas la Turquie…

Ce rallye est aussi vu par les locaux tout au long du parcours comme un immense marché extrêmement lucratif pour les organisateurs et les participants, les constructeurs automobiles… qui méprisent les conditions de vie des autochtones. Une insulte à leur misère. Sans doute faut-il voir là l’unique point commun entre le Paris-Dakar d’alors et cette cinquième édition de ce remake sur sol sud-américain.

Les seuls noirs que les pilotes croiseront sur leur route, à un peu plus d’une centaine de kilomètres de Lima, sont ceux de la région de Chincha, peuplée essentiellement de descendants venus d’Afrique. Et peut-être même de Dakar. Comme les aïeux de Nicomedes Santa Cruz, poète noir péruvien aujourd’hui décédé, chantre de la négritude de ces côtes, de ces noirs marginalisés au Pérou. Auxquels il rend hommage pour rappeler leurs conditions d’esclaves arrivés d’Angola et du Sénégal par bateaux entiers, qui n’avaient rien d’un rallye des mers.

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Un commentaire à “Les ravages vrombissants du «Dakar» inquiètent les archéologues au Pérou”

  1. LauraD 5 janvier 2013 at 05:25 #

    Bonjour,

    Merci d’apporter un peu de lumière sur les conséquences catastrophiques de ce type de courses sur le patrimoine des pays concernés! En effet, lorsque des sommes conséquentes d’argent sont en jeu, l’archéologie passe souvent au second plan, et de nombreux trésors inestimable -non en terme de richesse économique, mais de compréhension de nos origines et de notre évolution- disparaissent ainsi dans la plus totale indifférence.

    En revanche, je ne suis pas certaine d’avoir compris la pertinence du dernier paragraphe… S’agissait-il simplement d’expliquer qu’une population noire vit au Pérou? Je ne vois pas du tout le lien avec le reste… Ni l’enjeu lié à cette population? Si c’était juste pour trouver une bonne chute à l’article, l’avant-dernier paragraphe se suffisait à lui-même…

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