Le froid s’est emparé de la nature; le vent balaie le vallon de l’Aubonne de son souffle glacé.
PAR JEAN-FRANCOIS ROBERT (PHOTO PASCAL SIGG)
Un soleil jaune pâle traîne des ombres longues et paresseuses. Les étangs se sont fermés à tout ce qui bouge. Les cils raidis des roseaux bordent l’œil aveugle qui regarde le ciel sans le voir. Les arbres tout nus brandissent dans l’espace leurs membres tourmentés qui dessinent en noir sur le gris sale qui règne sur le graphisme hiéroglyphique des rameaux qui se croisent.
Puis viennent les brumes qui posent dans le silence leur haleine mouillée, noyant le paysage dans la grisaille ambiante et triste. Or c’est là, au creux de la tristesse que naissent miraculeusement ces innombrables fleurs de givre dont la beauté, dans le soleil revenu, fait oublier la géométrie savante du cristal éphémère. La forêt ainsi parée de ces fleurs de froid retrouve prestance et noblesse ; même la hampe infléchie de la graminée attardée porte fièrement une étoile de diamant accrochée au sommet de la courbe.
Ce matin, le temps s’est radouci, le gel ne mord plus. Un flocon virevolte sous un ciel bas, puis un autre et un autre encore. La terre s’enfarine dans un silence minéral. Les essaims se font légion. Le paysage s’estompe et se confond progressivement avec le ciel, rendant perceptible l’infini. Mais bientôt, le vallon se lira en noir-blanc sous le ciel redevenu bleu. C’est l’hiver; les arbres se reposent et rassemblent des forces nouvelles dans le secret de la blancheur.
Texte et photo publiés en collaboration avec l’Arboretum national du Vallon de l’Aubonne