Février. La nature dort encore sous un manteau blanc qui se mite déjà sérieusement.
PAR JEAN-FRANCOIS ROBERT – PHOTO PASCAL SIGG
Des plages plus sombres oscellent le paysage. Proche du centre de gestion l’étang sommeille encore dans le silence cristallin d’une bise insidieuse qui gèle tout. Les grands séquoiadendron, témoins des premiers âges, qui gesticulent en trio près de Centre, se sont drapés dans leurs branches et attendent le printemps pour reprendre leurs palabres. De leur côté, les bouleaux à la peau soyeuse, plus blanche que la neige qui s’en va, jettent vers le ciel clair la résille de leurs rameaux qui découpent la transparence à l’encre des contre-jours !
Des bouleaux … Les uns ont une tenue rigide et distinguée alors que d’autres se laissent aller dans une structure anarchique ou tourmentée, grignotant l’espace tout autour. Ils sont là, 50 espèces venues d’un peu partout : du Grand Nord canadien comme de la Chine immense, de la Sibérie mystérieuse où règnent les chamanes qui en ont fait leur arbre fétiche permettant à l’homme-médecine de rencontrer les esprits invisibles grâce aux rythmes lancinants des tambours que frappent des baguettes du bouleau sacré.
Bouleau : l’arbre-fée qui fascine et fait rêver, qui évoque le Grand Nord et ses pirogues d’écorce aux extrémités relevées glissant sans bruit sur l’eau noire des étangs. Bouleau : une essence précieuse, revêtue d’une écorce foliacée qui la protège contre les morsures du soleil et celles du froid, une écorce qui se fait papier pour porter les messages pictographiques des Indiens, qu’on enroule sur elle-même pour servir de torche ou de bougie aux bergers des montagnes, qui se détache en lambeaux pour allumer le feu, même avec du bois humide grâce à la fumée huileuse qui se dégage de sa combustion. Découpée en lanières, elle permet de tresser des nattes, des cabas, voire de confectionner des souliers ; distillée, elle fournissait aux peuples de la Préhistoire la bétuline, une colle efficace pour emmancher les éclats de silex. Et de tout temps, son bois, qui brûle clair et sans fumée, servait à cuire le pain dans les grands fours banaux.
Texte et photo publiés en collaboration avec l’Arboretum national du Vallon de l’Aubonne