En 2012, l’industrie pharmaceutique suisse a augmenté son chiffre d’affaires de 2,2%.
PAR MATHIEU GLAYRE, MIRKO LOCATELLI ET YVAN LUCCARINI
Une croissance qui ferait aujourd’hui rêver plus d’un secteur économique, mais qui se révèle plus modeste que par le passé et qui, selon les prévisions, sera encore revue à la baisse dans les prochaines années. En cause, la nouvelle réglementation des prix décidée par le Conseil fédéral, mais aussi l’expiration des brevets de nombreux produits pharmaceutiques et leur remplacement par des génériques.
Cette tendance négative ne touche cependant pas tous les produits: l’une des exceptions les plus notables concerne la Ritaline. D’après une étude de l’OFSP publiée l’été passé, ce médicament a connu un véritable boom des prescriptions: +40% (de 2005 à 2008, la dernière période disponible). Fleuron de Novartis, la Ritaline est censée réguler l’hyperactivité et les troubles de l’attention, des difficultés qui affecteraient environ 10% (!) des enfants en âge scolaire. La même étude nous apprend aussi que la quantité moyenne de méthylphénidate, la substance active du médicament, a augmenté de 9% dans chaque dose et que la Ritaline est prescrite majoritairement vers l’âge de 12 ans.
Douze ans, cela correspond à peu près au début de l’adolescence, l’âge qui précède l’entrée des jeunes dans le monde des adultes. Un monde où, par contre, l’hyperactivité… n’a rien d’une pathologie ! Bien au contraire: la capacité à jongler simultanément entre plusieurs tâches est une aptitude hautement valorisée, voire exigée. Traiter simultanément une foule d’informations différentes – regarder une vidéo en ligne assis dans le train pendant que l’on «twitte» ses amis et qu’on «upload» son profil virtuel – est un comportement désormais anodin et largement stimulé par l’essor des nouvelles technologies, Internet en tête.
L’esprit zappeur trouve sur la Toile, où nous passons de plus en plus de temps, son biotope idéal, la plupart des sites offrant une pléthore de liens hypertextes, d’images animées, de clignements audiovisuels et autres attrape-nigauds qui nous éloignent progressivement de notre point de départ. Quitte parfois à l’oublier, car l’un des traits caractéristiques de l’humain multitâche est bien la perte d’une capacité cognitive essentielle: la concentration. Cela n’a évidemment rien d’un hasard, quand l’on sait que la rentabilité des publicités en ligne dépend du nombre des clics vers le site qui les héberge…
Voici donc un paradoxe de plus de la modernité: chez l’enfant, on définit comme pathologique ce qui, à l’âge adulte, n’est qu’une forme de suradaptation aux valeurs dans l’air du temps. On appelle «maladie de civilisation» une affection engendrée ou favorisée par l’environnement, les modes de vie, les technologies propres à une culture. Dans nos sociétés productivistes, il y a lieu de croire que l’hyperactivité est l’un de ces maux, et que son traitement requiert non pas une pilule, mais un véritable changement de paradigme économique et culturel: initiez donc le changement par une lecture douce et profonde du quatrième numéro de « Moins!« .
Article paru dans « Moins!«