La nature émerge timidement de son mutisme hivernal.
PAR JEAN-FRANCOIS ROBERT
On sent des vibrations dans l’air. Rien ne bouge, mais on devine, à la qualité de la lumière, qu’il se prépare quelque chose, que l’immobilité apparente est celle du félin qui s’apprête à bondir, que le jaune pâle des herbes n’est que l’adieu des frimas sous un soleil encore timide mais déjà chaud en cachette. Les lève-tôt ligneux ont déjà réagi dans les lisières: noisetiers pressés de balancer dans l’espace leurs étranges chenilles florales qui s’impatientent de s’enfariner de pollen, alors que les fleurs femelles, minuscules sur un petit bourgeon collé au rameau, passent inaperçues quoique teintes en rouge vif !
Plus loin, ce sont les saules qui manifestent leur besoin de revivre en émettant leurs chatons ovoïdes, éparpillés sur le rameau nu comme autant de gros insectes duveteux. Ils sont la providence des abeilles qui profitent de leurs premières sorties pour venir fiévreusement y puiser le nectar de vie. Pour l’homme aussi le saule est providence puisque ses sucs, qu’on peut libérer par décoction d’écorces ou de feuilles, soignent les fièvres malignes. L’acide salicylique en effet – qui tire son nom du saule – n’est autre que le principe actif de l’aspirine.
Les anciennes fermes avaient autrefois un ou deux saules, près de la mare aux canards ou de l’abreuvoir pour le bétail, afin qu’on y puisse prélever périodiquement les pousses longues et flexibles pour façonner paniers et corbeilles à la fois solides et de faible poids. De plus, cette essence se prête admirablement à la stabilisation des pentes ébouleuses grâce à la souplesse des rameaux qui servent à faire des clayonnages, grâce aussi à l’étonnante faculté des saules à s’accommoder de sols maigres et d’y prendre racines!
Texte et photo Pascal Sigg publiés en collaboration avec l’Arboretum national du Vallon de l’Aubonne