Les partisans de Berne dans le Jura bernois cherchent à dénaturer le vote du 24 novembre prochain. Pourquoi?
PAR JEAN-CLAUDE CREVOISIER
Les autorités fédérales et cantonales tant bernoises que jurassiennes se sont entendues sur la procédure qui, dans un premier temps, ne doit avoir aucun caractère plébiscitaire. Il est en effet proposé le 24 novembre 2013, d’offrir, notamment aux citoyens du Jura bernois, la possibilité d’imaginer au sein d’une constituante ce que pourrait être pour eux un cadre institutionnel autre que celui du canton de Berne. C’est à l’issue seulement de cette première démarche que les citoyens intéressés seraient invités à choisir leur avenir.
La démarche élaborée par la Conférence tripartite et soumise, en même temps, aux citoyens du canton du Jura et du Jura bernois se distingue donc fondamentalement de ce que d’aucuns avaient pu ressentir, en 1974, comme un saut risqué dans l’inconnu.
À cette époque, il était en effet proposé à la population des 7 districts jurassiens de se déterminer entre une réalité, peut-être inconfortable aux yeux de certains mais concrète et par conséquent connue (le maintien dans le canton de Berne), et une utopie, une aventure même, aux contours encore très flous (un nouveau canton suisse). L’importance et le caractère très émotionnel de l’enjeu, pour les uns et pour les autres, avaient déchaîné les passions voire des violences et profondément divisé la population.
Craignant de revivre de tels affrontements, les partisans de Berne ont dans un premier temps tenté en vain d’obtenir des autorités bernoises qu’elles s’opposent à l’accord conclu avec la Confédération et le canton du Jura. Mais le vote du 24 novembre 2013, il faut le répéter, ne modifiera en rien les statuts cantonaux actuels du Jura et du Jura bernois. Le scrutin se limitera à décider ou non de la création d’une constituante ayant pour mandat d’élaborer un projet institutionnel éventuellement commun à ces deux entités. La possibilité pour les citoyens du Jura bernois de ne pas quitter le canton de Berne restant réservée.
On s’étonne dès lors que les partisans de Berne s’embarquent, avec virulence, dans une campagne à connotation plébiscitaire et qu’ils invitent la population du Jura bernois à voter immédiatement sur le fond, à savoir sur leur appartenance définitive au canton de Berne. On s’étonne … et on s’interroge.
S’ils étaient aussi sûrs qu’ils l’affirment de l’attachement au canton de Berne d’une très large majorité de citoyens du Jura bernois, pourquoi devraient-ils craindre la procédure sereine, pacifique et constructive proposée par la Conférence tripartite. Une procédure qui débouche immanquablement, mais ultérieurement, sur un vote qui lui déciderait de l’avenir des deux Jura.
Risquons une explication à cette fébrilité et à cette hâte à vouloir trancher sans délai dans le vif.
Confronté à des problèmes structurels et à un déficit budgétaire inquiétant, le canton de Berne vient d’annoncer des années à venir douloureuses et difficiles, avec à la clé des sacrifices substantiels pour l’ensemble de ses régions. À cela s’ajoute un débat sur les tensions récurrentes entre les villes et la campagne; un débat qui culmine avec une revendication oberlandaise d’accéder à un statut de demi-canton; un débat berno-bernois donc qui ne s’embarrasse guère du bilinguisme et de la place du Jura bernois dans la collectivité cantonale. Des perspectives toutefois qui ne seront pas encore très sensibles cette année.
On peut dès lors comprendre que les partisans de Berne cherchent à empêcher leurs compatriotes à se donner le temps d’une utile réflexion. Ils préfèrent arrimer, cette année déjà et définitivement, le Jura bernois à l’Ancien canton de Berne. Car, dans quelques années, lorsqu’une constituante interjurassienne pourrait déposer son projet, il n’est pas certain que la mariée bernoise soit toujours aussi belle!
Article paru dans « Courant d’Idées«