Alpiq, «de nouvelles orientations doivent être prises»


Le principal fournisseur du marché suisse de l’électricité est confronté à un endettement colossal.

PROPOS RECUEILLIS PAR EDGAR BLOCH

Principal fournisseur du marché suisse de l’électricité, le groupe Alpiq traverse une phase délicate. Dans un environnement marqué par le soutien massif aux énergies renouvelables en Allemagne, le groupe issu de la fusion entre Atel et EOS en 2008 a accumulé une dette nette de quelque 3,5 milliards de francs. Réunis, le 25 avril dernier en Assemblée générale, les actionnaires ont reçu la promesse d’un changement de cap. Le point avec le Fribourgeois Michael Wider, directeur Energie Suisse et membre de la direction du groupe.

Alpiq accumule les pertes depuis deux ans. Pourquoi les promesses de la fusion Atel/EOS n’ont-elles pas été tenues et comment en est-on arrivé là?

Michael Wider: Toute l’industrie électrique a été surprise par la vitesse et l’intensité de la mise en place de nouvelles sources d’énergie subventionnée en Europe, surtout en Allemagne qui dispose d’une puissance installée équivalente à 70 centrales nucléaires comme Leibstadt. Or, la majeure partie du parc de production d’Alpiq est constituée d’installations classiques. Ce même marché allemand, subventionné à hauteur de 21 milliards d’euros par an, a entraîné une chute des prix, qui nous a obligés de revoir notre planification à la baisse et qui crée des distorsions économiques dans toute l’Europe.

Cette situation a impacté dans une large mesure les résultats d’Alpiq. Lors de la fusion Atel/EOS, les actifs fusionnés ont été valorisés aux prix forts des années 2007-2008. Par rapport à la situation du marché aujourd’hui, ces actifs sont surévalués. Alpiq a procédé à des corrections de valeur ces deux dernières années, ce qui s’est traduit par des pertes comptables conséquentes.

Alpiq a-t-il trop tardé à réaliser les synergies rendues nécessaires par la fusion, à savoir l’élimination des doubles fonctions?

Les conditions de cette fusion étaient très favorables car des synergies étaient prévisibles essentiellement et surtout du côté des revenus. Les deux sociétés étaient complémentaires du point de vue du portefeuille de production et des marchés sur lesquels elles étaient actives. Pour les raisons déjà évoquées, ces attentes n’ont pas encore pu être satisfaites. Vu la structure des coûts d’Alpiq – 80% pour l’approvisionnement en énergie -, les synergies à réaliser sont limitées. Nous avons néanmoins économisé 100 millions de CHF lors des deux dernières années. Par ailleurs, je considère intéressant d’être un acteur multiculturel, avec deux sites forts, en Suisse alémanique et francophone, et une présence au Tessin, qui nous distingue des autres groupes.

Vous annoncez vouloir poursuivre votre programme de désinvestissement des coûts en 2013, qu’allez-vous entreprendre concrètement?

La maîtrise des coûts de notre société est une préoccupation permanente et nécessaire à l’amélioration du résultat. Le processus de désinvestissement se poursuit et des objets considérés comme non stratégiques seront vendus, bien que le marché pour ce type de ventes est plus tendu qu’auparavant.

Les restructurations passeront-t-elles par de nouvelles suppressions d’emplois?

Au vu des marchés qui changent à grande vitesse, nous avons mis au point un programme pour devenir plus efficients. Je ne peux donc pas exclure que l’on réduise les effectifs, même si ce n’est jamais un but en soi. Nos deux atouts majeurs, la qualité de nos actifs de production et de notre personnel, nous poussent à réfléchir avant tout à d’autres types d’économies possibles.

Les différences de culture d’entreprise entre Atel et EOS semblent peser sur l’entité fusionnée – la construction de nouvelles centrales nucléaires, par exemple, a profondément divisé l’actionnariat; ce type de situation est-il surmontable à l’avenir?

Nos actionnaires sont pour la plupart également des acteurs sur les marchés de l’énergie et de l’électricité. Chaque société définit sa propre stratégie qui peut différer de celle des autres actionnaires et des missions données à Alpiq. De manière générale, je suis persuadé que les opinions différentes ont un effet dynamisant et enrichissant. De nouvelles orientations doivent être prises chez Alpiq, afin d’apporter à tous les actionnaires une valeur ajoutée qui peut s’inscrire dans les domaines de l’efficacité énergétique, du développement des cleantech, de la mobilité, de l’intelligence dans la gestion de la production électrique décentralisée, du stockage d’énergie et même des idées novatrices liées aux outils de production classiques.

Alpiq donne aujourd’hui l’impression d’être une entreprise concentrée sur le commerce de gros, sans projet industriel?

Alpiq exerce aujourd’hui trois métiers clés, la production, le commerce de gros et les services énergétiques, où 4000 personnes sont actives en Suisse sur 80 sites. Je suis persuadé que cette entreprise déploiera de nouvelles activités. Lesquelles? Nous essaierons de surprendre.

Certains vous reprochent de prendre le tournant du renouvelable à reculons. Comment voyez-vous votre société répondre à ce défi?

Alpiq a toujours inscrit le renouvelable au chœur de sa stratégie. La Suisse étant un pays où les ressources renouvelables sont limitées, Alpiq a essentiellement investi à l’étranger dans des parcs éoliens, du photovoltaïque et de la mini-hydraulique. Les nouvelles énergies renouvelables font partie intégrante de la stratégie énergétique de la Suisse et des pays européens. Alpiq est et sera un acteur dans ce domaine.

Interview parue dans la «Liberté» du 26.4.2013

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