Horst Tappert, l’acteur qui a incarné l’inspecteur Derrick, a fait partie de la Waffen-SS.
PAR DAVID MARIN
Révélée par la «Frankfurter Allgemeine» le 26 avril dernier, l’information s’est répandue à grande vitesse, suscitant à la fois la stupeur et une grande curiosité. C’est compréhensible, vu qu’elle touche un personnage très populaire.
C’est un document retrouvé par le sociologue Jörg Becker qui l’atteste. Il montre qu’en 1943, Horst Tappert, alors âgé de dix-neuf ans, a évolué dans un régiment de chars allemands sur le front russe. Malheureusement l’acteur ne pourra ni réagir ni témoigner à ce sujet puisqu’il est décédé en 2008. À la suite de cette révélation, la télévision publique allemande ZDF – qui a produit les 281 épisodes de la série vendue dans 102 pays – vient d’annoncer la décision de ne plus diffuser «Derrick».
Ce n’est pas la première fois que ce type d’information à propos d’un homme allemand connu du grand public émerge, provoquant une vive émotion. En 2006, l’écrivain Günter Grass –Prix Nobel de littérature en 1999 – a levé le voile sur un passé qui l’avait vu s’enrôler dans la Waffen-SS à l’âge de dix-sept ans. Malgré cela ses livres n’ont pas fait l’objet d’une décision visant à les faire disparaître des rayons des librairies.
Par ailleurs, personne n’a eu l’idée d’empêcher le comédien Dario Fo, Prix Nobel de littérature deux ans avant Günter Grass, de se produire au théâtre. L’auteur de «Mistero buffo», avant de vivre avec une très grande intensité la fin des années ’60 et les «années de plomb», à l’âge de dix-huit ans avait fait partie d’une division de parachutistes et des «Brigades noires» de la RSI, la République sociale italienne, dite aussi République de Salò. Suite aux premières révélations à propos de son passé, dans la deuxième moitié des années ’70, Dario Fo avait nié, poursuivant en justice les journalistes qui écrivaient à ce sujet. C’est justement lors d’un procès pour diffamation à Varèse, en 1978, que Dario Fo avait pour la première fois admis publiquement son passé. Le comédien avait cependant souligné qu’il avait été forcé à s’engager dans les troupes fascistes afin d’assurer sa survie. Un récit contesté par des témoins de l’époque, comme Carlo Maria Milani – sergent et instructeur des parachutistes fascistes – et le commandant partisan Giacinto Lazzarini.
Plus récemment, toujours en Italie, Giorgio Napolitano a été réélu Président de la République. Sa décision d’accepter un deuxième mandat à l’âge de 87 ans afin de sortir l’Italie de l’impasse politique dans laquelle elle était immergée à été largement saluée. Le passé de Giorgio Napolitano n’a pas fait alors l’objet de critiques acérées. Pourtant à l’âge de 20 ans, quand il était étudiant, Giorgio Napolitano avait fait partie des Groupes universitaires fascistes, les GUF. Son inscription au Parti communiste date de l’après-guerre, en 1945. Et onze ans plus tard, Giorgio Napolitano n’a pas condamné l’intervention soviétique lors de la révolution hongroise, applaudissant même en 1956 l’entrée des chars armés soviétiques en Hongrie.
Enfin, il y a le cas du passé vichyste de François Mitterrand, avant qu’il rallie la Résistance et qui – surtout en France – a fait couler beaucoup d’encre déjà.
Les images blafardes et spartiates de l’inspecteur Derrick vont disparaître de l’écran de la télévision publique allemande. La télévision néerlandaise Omroep Max et France 3 viennent également d’annoncer la déprogrammation de «Derrick» en raison du passé en noir et blanc de Horst Tappert. A l’heure de l’image en couleur haute définition, ces exemples démontrent cependant que la lecture du passé n’implique pas seulement le noir et le blanc, mais aussi des tonalités de gris.
Article paru dans “Un ristretto!“