Le mai qu’on chante et qu’on dansait…

Il s’annonce par la conquête du vert sur le gris: hier la forêt était encore uniformément triste; aujourd’hui, une teinte vert tendre embrume doucement le pied du Jura.

PAR JEAN-FRANCOIS ROBERT

Elle va s’affirmer et grimper plus haut de jour en jour. Après les fleurs qui ont illuminé le premier printemps, c’est le renouveau qui s’impose d’un immense coup de pinceau chlorophyllien! Un renouveau qui se fête aujourd’hui dans les cœurs, autrefois dans les villages!

C’était le “Mai“. Le mai qu’on chante et qu’on dansait alors sur la place autour de l’arbre dressé pour la circonstance. Ailleurs, c’était l’occasion pour les jeunes gens de déposer de nuit, devant la porte des filles, une branche qui devait leur dire amour, admiration ou grief selon l’essence choisie en fonction d’un code aujourd’hui perdu.

Chez nous, c’est le hêtre qui règne en maître sur les côtes du Jura et qui brandit l’étendard vert entre les plages sombres des résineux. Il dresse ses troncs nus d’athlètes sous le dôme des couronnes où roucoulent les pigeons et ricanent les geais. Son bois blanc et dur sert d’étalon pour définir le pouvoir calorifique des autres essences. Débité en traverses, dûment séché puis imprégné de créosote dans des autoclaves, il a pris le relais du chêne pour se faire chemin de bois pour chemins de fer! Son fruit, la faîne, est une amande cachée dans une coque triangulaire dont on pouvait extraire une huile comestible en période de disette.

Les anciens verriers établissaient leurs cabanes et ateliers en forêt, principalement dans le Jura où le hêtre constituait de vastes peuplements. Car la cendre du foyard est riche en potasse qu’ils utilisaient comme liant dans la fabrication de la pâte de verre. Consommation énorme de bois, puisqu’il fallait en brûler 180 m3 pour obtenir 100 kg de potasse. Chez nous, on trouve des vestiges de ces antiques industries notamment au-dessus de Montricher, à St George, Mollens, Arzier, ainsi qu’à la Vallée de Joux qui recèle plusieurs sites.

Article publié en collaboration avec l’ Arboretum national du vallon de l’Aubonne. Photo Pascal Sigg

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