Guerre des gazoducs, avec TAP tout le monde est pat


Le projet suisse TAP l’emporte sur l’Européen Nabucco mais la partie d’échecs n’est pas terminée pour autant. Bruxelles a encore une carte à jouer à Ankara, alors que Moscou avance ses pions.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

La guerre des gazoducs a franchi un tournant en cette fin du moins de juin 2013 avec le choix du projet suisse Trans Adriatic Pipeline (TAP) par le consortium gazier qui gère le gaz azéri de la mer Caspienne. Ce faisant, Bakou a douché les espoirs de Bruxelles qui misait sur le projet Nabucco pour diversifier ses sources d’approvisionnement en gaz et damer le pion au géant russe Gazprom.

Moscou jubile mais…

Intéressants sont les commentaires qui viennent de Russie, justement. Moscou ne peut que jubiler après le choix de Bakou qui met (provisoirement?) hors course son grand concurrent européen, au terme d’un combat homérique de dix ans pour le contrôle de l’acheminement du combustible par le sud de l’Europe en évitant l’Ukraine. Pour contrer Nabucco, la Russie, dont provient déjà le quart du gaz européen, avait lancé Southstream, un pipeline qui plongera dans la Mer Noire pour ressort en Bulgarie et remonter vers la Serbie et la Hongrie.

Les experts russes mitigent toutefois leur jugement car TAP sillonnera des eaux qui ne sont guère lointaines. Mis en service à la frontière gréco-turque, il arrosera la Grèce avant de traverser l’Albanie puis l’Adriatique en direction de l’Italie et de la Suisse, siège de l’électricien Axpo qui parraine TAP. Potentiellement, il représentera une concurrence pour Southstream dont un bras irriguera aussi la patrie du Parthénon. Mais il faudra attendre 2018 avant de voir le gaz azéri dégager son effluve sur les rivages européens.

Gaz azéri cher

Prenant tout le monde de vitesse, Gazprom a commencé de son côté à mettre en route le chantier Southstream en décembre 2012. Le groupe pétrolier compte aboutir en 2015, ce qui permettra au gazoduc russe de devancer TAP de trois ans. Gazprom gagnera-t-il aussi la guerre des prix? Telle est la grande question car, en face, le gaz azéri ne sera pas bon marché. La construction des infrastructures visant à le transporter coûtera au bas mot 40 milliards de dollars, il faudra donc l’amortir. «Pour que le corridor sud devienne une réalité, on doit d’abord se demander si le gaz provenant des champs de la mer Caspienne sera compétitif par rapport aux coûts de référence des marchés spot européens et du gaz russe», souligne René Bautz, directeur général du distributeur suisse Gaznat, interrogé par la Méduse.

D’aucuns se demandent également ce que TAP apportera de plus par rapport à Nabucco dans l’optique d’une diversification de la source. Le marché italien est déjà largement approvisionné, notamment depuis la Libye et l’Algérie. Il profite également de l’exploitation de nouveaux terminaux méthaniers, comme celui de Rovigo au large de Venise.

L’inconnue turque

En dehors des coûts et du prix, une autre inconnue intervient dans le débat sur une diversification de l’approvisionnement de l’Europe, c’est la position de la Turquie, seul pays de transit du gaz azéri. L’or gris de la Caspienne pourrait-il devenir un moyen de pression politique à l’heure où Bruxelles entame une nouvelle tentative de rapprochement avec Ankara? Nabucco pourrait bien ne pas être encore mat.

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