Dix ans. C’est le temps qu’il aura fallu à l’appareil juridique helvétique cadrant les lanceurs d’alerte pour aboutir à un pet dans l’eau.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
En 2003, les députés fédéraux Gysin et Marty déposent successivement une motion et un postulat pour protéger les «whistleblowers», ces employés courageux qui sortent du bois pour dénoncer une gouvernance boiteuse dans leur entreprise. Suite au scandale Enron, les Etats-Unis avaient déjà donné le ton en promulguant la loi Sarbanes-Oxley qui oblige les sociétés cotées en bourse à se doter d’un système de vigilance limitant tout risque de représailles pour les utilisateurs. Car la vie du lanceur d’alerte n’est pas un long fleuve tranquille, tant s’en faut.
Christopher Chandiramani en sait quelque chose. En juillet 2000, cet analyste financier du Credit Suisse émet des doutes sur la solidité de Swissair dont nul à l’époque ne soupçonne le crash prochain. Ce faisant, il rend un service éminent à la communauté des investisseurs parmi lesquels figurent de nombreuses caisses de pension. Mais en guise de reconnaissance, il est congédié. Il paiera cher son geste également sur le plan familial, un destin que partagent avec lui moult lanceurs d’alerte dans le monde.
En 2008, l’annonce d’une révision partielle du Code des obligations rompt une lance en faveur des partisans de la transparence. Las, cinq ans après, le Conseil fédéral douche ces espoirs. Le message transmis le 20 novembre dernier au Parlement délie l’employé de son devoir de fidélité quand la situation l’exige mais il refuse de renforcer la protection contre les congés abusifs. Autant dire que les témoins d’actes illicites réfléchiront à deux fois avant d’actionner la sonnette d’alarme. La corruption a encore de beaux jours devant elle.
Chronique parue dans GHI du 27-28 novembre 2013
J’ai lu votre papier avec intérêt sur les whistle blowers. Mais je m’étonne que vous classiez Chandiramani dans cette catégorie. Il faisait honnêtement son boulot d’analyste. Le scandale c’est qu’il a viré pour cette raison et non pas pour avoir violé une quelconque règle de confidentialité liée à sa fonction.
Son licenciement était ainsi beaucoup plus grave que celui de n’importe que whistle blower ordinaire, si j’ose dire, Et c’est ainsi ancien analyste qui te le dit !
Un lecteur attentif et fidèle.
Merci pour votre commentaire pertinent. Votre vision du whistleblower est plus restrictive que la mienne. Chandiramani (qui se considère comme un whistleblower d’ailleurs, je l’ai interviewé il y a plusieurs années) a pris des risques en publiant une analyse anticipant les pertes de Swissair probablement parce qu’il avait eu accès à des documents non publics. D’ailleurs il a été viré parce qu’il « a violé ses devoirs contractuels et outrepassé ses compétences en accordant une interview à l’agence de presse Reuters » (ATS d’époque).
Son licenciement était en effet particulièrement grave.