Enfant prodige, le fils du peintre en bâtiment est devenu artiste-peintre.
PAR CHRISTIAN GUHL
Mais boulimique de vie, insatiable créateur, il ne s’est pas contenté des arts plastiques pour s’exprimer. Gâté par les muses, fasciné par Bob Dylan, Gainsbourg et son grand ami Claude Nougaro il a exploré la musique.
Peintre-chanteur ou chanteur-peintre?
Il s’en tape, Jean-Pierre, l’homme de la terre qui tout seul a tracé son (micro) sillon. Au bord du Léman comme à Paris, ou même dans les universités américaines et les boîtes de blues de Boston et New York, sans se soucier des modes et des coteries. Souvent en avance sur son temps, il s’est parfois senti incompris.
Mais ne vaut-il pas mieux être bien compris par quelques-uns que mal compris de tous?
Huser avance, se retourne rarement. Il a trop de projets pour se reposer sur ses lauriers ou se gargariser du chemin déjà parcouru, des centaines de chansons écrites, des milliers de tableaux peints.
Il ne se donne guère le temps d’être contemplatif, toujours en mouvement, dans l’action, dans le besoin de «faire» sous peine d’être malheureux.
L’esprit jamais en veille, ce manuel au grand coeur est un spontané, un enthousiaste, un homme d’action qui ne perd pas son temps dans de stériles réflexions intellectualistes ou conceptuelles.
Parfois découragé face à la connerie humaine et l’injustice, aux autorités pointilleuses et à ses torrents de paperasses procédurières, il rebondit toujours, repart de zéro, fonce, part à l’abordage, affronte courageusement cette vie qui ne l’a pas toujours gâté mais qui lui a forgé un caractère bien trempé.
Ses tableaux comme ses chansons sont des images fortes, qui caressent ou qui cognent, qui célèbrent ou qui dénoncent, qui déplorent et qui espèrent. Des taches, des claques, des mots et des gimmicks, poésie et tendresse, quand Huser peint ou chante, ce sont des rivières d’amour qui déferlent dans les coeurs.
Titres de chansons…
«Où sont tes moulins d’amour?», «Ouvre tes mains», demande Jean-Pierre, l’ami des Ouvriers de la montagne, des gens simples, du terroir, lui qui est originaire d’Alsace et du Pays d’Enhaut, avec un peu de sang gitan et sous la coupe de l’ancien testament! De part son arrière-grand-mère la 1er télégraphiste de son village Madame Wasserfall!
Amoureux de ce Montreux «impressionnant» où sa grand-mère en crinoline montait en funiculaire avec un beau militaire, Huser s’inspire de la Montée à l’alpage comme de New York ou de Woodstock, en passant par le Nil, autre cours d’eau.
La route est longue, quand on vient de la terre, de la Maison à Chinatown, de notre petite Switzerland de Guillaume Tell à Kinsale. Jean-Pierre regarde passer Les Montgolfières près du Lac des cieux, sous le Grand barrage à côté de «La tunnel», près du village de Jérémie, de Jacqueline Matine et de Vanessa la Plongeuse.
Chez moi c’est pas chez moi, plaide-t-il pour les Indiens d’Amérique du Nord ses amis.
Son coeur bat La chamade et ses yeux pétillent lorsqu’il entend les applaudissements après avoir chanté Enfants d’ici enfants d’ailleurs.
L’accident du Trans Europe ne lui a pas inspiré Les larmes de l’An 2000, et Les patineurs ne sont pas de la Génération + comme Amigos Poncho, la Cicciolina ou Mister Tinguely…
Lauréat de la Fondation Taurus
Premier lauréat de la Fondation Taurus pour l’Art et les Sciences, Jean-Pierre Huser (troisième depuis la gauche sur notre photo) a reçu son prix mardi 17 décembre 2013 à Lausanne en présence de plusieurs personnalités du monde des arts et des lettres, dont le chanteur Pascal Auberson ainsi que les journalistes Patrick Nordmann et Jean-François Moulin. Créée en 2013 à Lausanne par le paléanthropologue Michel Haas (tout à droite sur la photo), l’artiste-peintre et photographe Myriam Viallefont-Haas (tout à gauche) et l’avocat Alain Hugues (2e depuis la gauche), la Fondation Taurus «entend favoriser la photographie, la peinture et la sculpture, notamment en décernant des prix à des artistes, prioritairement en Suisse, dont l’œuvre significative mérite reconnaissance et soutien». Réd.