Les populations sont peu impliquées dans les projets transfrontaliers qui devraient pourtant les concerner. Cela tient, entre autres, à un déficit de communication. Avant, pendant et après !
PAR JEAN-CLAUDE CREVOISIER
Je vais m’arrêter un instant à une démarche franco-suisse dont on parle déjà depuis quelques décennies, soit le développement des relations entre la Franche-Comté et l’Arc jurassien dans le cadre de la CTJ (Conférence transjurassienne). Ces contacts ont certes rendu possibles quelques réalisations utiles autant que nécessaires; grâce notamment à la succession de programmes Interreg, financés paritairement par l’Union européenne et par la Suisse. Malgré cela, à ce jour, les populations concernées, même celles qui en tirent bénéfice, restent assez étrangères les unes aux autres. La communication sur l’intérêt et même les succès des opérations transfrontalières est manifestement déficiente.
Cela tient peut-être au fait que la plupart des projets réalisés ont été pour l’essentiel voulus et portés par les pouvoirs publics, pour ne pas dire par les administrations des entités institutionnelles concernées (la région et les départements du côté français et les cantons du côté suisse). Et quand on connaît le fonctionnement cloisonné de quasi toutes les bureaucraties publiques, il n’est même pas certains par exemple que le service cantonal X connaisse le projet transfrontalier auquel le service Y a participé.
De leur côté, les membres des parlements cantonaux, particulièrement dans le Jura, ne portent pas un très grand intérêt (c’est un euphémisme) aux rencontres thématiques transfrontalières organisées par la CTJ. Il ne faut donc pas compter sur eux pour relayer l’information.
Par ailleurs, la presse régionale (qui ne s’intéresse de toute façon pas «aux trains qui arrivent à l’heure») ne rendra compte au mieux de ces événements transfrontaliers que s’ils se déroulent sur son territoire de diffusion. Le Forum transfrontalier Arc jurassien a réuni, l’année dernière à Montbéliard, les représentants des médias régionaux pour tenter de les sensibiliser à la communication transfrontalière. Malheureusement sans effet concret à ce jour, sauf sur les questions relatives aux travailleurs transfrontaliers, un sujet d’actualité lié à la votation fédérale du 9 février prochain.
L’ignorance du public sur le sujet est dès lors explicable sinon excusable.
Or, il faut le rappeler sans cesse, les projets transfrontaliers sont porteurs d’ouverture et de développement. Il convient donc de le faire savoir à la population et de l’inviter à s’y intéresser.
C’est vrai que les frontières institutionnelles rendent particulièrement lentes et difficiles tant la coopération économique que la mise en œuvre de mesures écologiques communes. Elles freinent aussi les échanges entre les personnes, entre les collectivités et les institutions qu’elles séparent (j’allais dire qu’elles enferment).
Les discours, essentiellement officiels, sur le sujet portent peu. De plus, la seule information ne suffit pas. Le public a besoin de réalisations qui les impliquent. Primo, la sensibilisation à l’intérêt et aux avantages du transfrontalier ne peut donc reposer que sur des projets portés par des partenaires implantés de chaque côté d’une frontière (c’est d’ailleurs une condition posée pour les projets Interreg). Secundo, ces projets ne doivent pas être uniquement le fait des pouvoirs et administrations publics (au contraire même pourrait-on dire). Ceux-ci sont engoncés dans des cadres juridiques paralysants, tributaires de lourdeurs administratives et trop souvent obligés de s’en tenir à des stratégies spécifiques peu favorables à la coopération avec les voisins.
Un colloque organisé l’automne dernier à Besançon par le Forum transfrontalier Arc jurassien a montré les limites et les faiblesses de la communication institutionnelles sur le sujet. La place et le rôle que pourraient en revanche assumer les associations y ont été suggérés.
Car les associations ont une forme juridique relativement libre (notamment en Suisse). Leur dynamique repose pour une large part sur l’engagement de leurs membres, très souvent sinon toujours bénévoles. Elles devraient donc être encouragées à concevoir et à mener des projets transfrontaliers proches du terrain et des habitants. Les pouvoirs publics auraient intérêt à faire appel à la créativité et à l’investissement personnel généreux qu’elles peuvent mobiliser et à les aider sous diverses formes (financement, mise à disposition d’infrastructures, simplifications administratives).
La communication transfrontalière pourrait alors se construire sur de tels projets. De plus, la participation citoyenne à de telles opérations permettrait une démultiplication de la communication. Car chacun des acteurs impliqués dans l’action serait automatiquement vecteur d’information.
Article paru dans « Courant d’Idées« .