Maillon faible du Conseil fédéral


Après le vote du 9 février, un quotidien romand a livré un portrait dithyrambique du président de la Confédération, encensé dans un style baudelairien parce qu’il avait gardé tout son calme à l’annonce des résultats.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Le «oui», il l’avait anticipé avant le dépouillement, se fiant aux sondages indiquant que l’initiative contre l’immigration de masse avait le vent en poupe.

Didier Burkhalter est-il pour autant l’homme de la situation, ce président de crise comme le dépeignent certains? En quoi mérite-t-il davantage d’éloges que Jean-Pascal Delamuraz, l’inventeur du «dimanche noir» au soir du 6 décembre 1992? Si, pour lui, l’acceptation était une catastrophe, n’aurait-il pas dû, au contraire, insister jusqu’au bout, utiliser tous les arguments visant à montrer que les bilatérales, dont toute la nomenklatura fait dépendre l’avenir du pays, risquaient de passer à la trappe?

Où va la Suisse? Et d’abord que valent ses pilotes? La question de la gouvernance mérite d’être posée car le navire amiral, le Conseil fédéral, ne donne pas l’exemple d’une cohésion à toute épreuve. Il prend l’eau surtout dans une partie très sensible de la soute, là où se gèrent les grandes options économiques et financières. Passons encore sur les déboires fiscaux de Johann Schneider-Ammann. Pour l’heure, ils ne portent pas atteinte à la place industrielle. On ne saurait en dire autant, en revanche, du cas Evelyne Widmer-Schlumpf.

Discréditée dans le monde bancaire en raison de sa soumission aux puissances extérieures, la ministre des Finances n’a qu’une seule issue, celle du départ. Son remplacement par un représentant de l’UDC, dont elle est la transfuge, permettrait de refiler la patate chaude au parti responsable du flottement actuel.

Chronique parue dans GHI du 26 février 2014.

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6 commmentaires à “Maillon faible du Conseil fédéral”

  1. Schindler 28 février 2014 at 11:22 #

    Cher Christian,
    Je suis un peu trop loin de la politique suisse pour porter un jugement éclairé. Mais je m’étonne de ton jugement à l’emporte-pièce sur notre ministre des Finances : “Discréditée dans le monde bancaire en raison de sa soumission aux puissances extérieures, la ministre des Finances n’a qu’une seule issue, celle du départ.” Et si, au contraire, elle incarnait un réalisme politique que les banquiers n’ont plus, après des décennies de soumission au secret bancaire, à l’assistance active à l’évasion fiscale. Remplacer Widmer-Schlumpf par l’ineffable Maurer ou, pire, rappeler Blocher ? Tu n’es pas sérieux, j’espère !

  2. Christian Campiche 28 février 2014 at 21:10 #

    @Schindler: Les gentils flics américains et les vilains canards suisses, Marc? C’est un peu plus compliqué que cela, tout de même. Promenons-nous dans les bois de Wall Street pendant que le loup n’y est pas…

  3. Michèle Herzog 1 mars 2014 at 18:57 #

    Cher Monsieur Campiche,
    Vous critiquez vertement Mme Widmer-Schlumpf concernant sa façon de défendre les actes des banquiers suisses face à la justice américaine. Mais pourquoi ces banquiers suisses ne se sont-ils pas défendus eux-mêmes ? S’ils sont assez grands pour aider des clients américains à frauder le fisc des USA, alors à mon avis ils sont assez grands pour aller se défendre aux USA. Mais peut-être qu’ils n’osent plus y aller et qu’ils sont contents d’envoyer Mme EWS à leur place … Mme EWS n’est pas responsable de leurs actes. Meilleures salutations.

  4. Christian Campiche 1 mars 2014 at 20:38 #

    @Herzog: L’Etat suisse est quand même en partie responsable des actes des banquiers dans la mesure où il a cautionné le secret bancaire. On peut l’aimer ou pas (personnellement je n’en ai jamais été un chaud partisan) mais le secret bancaire fait partie quelque part des institutions helvétiques, plebiscité chaque année par la population. Il faut savoir ce que l’on veut. La question est moins de savoir si Mme EWS défend bien ou mal les banquiers suisses mais plutôt de se demander pourquoi la Suisse livre en pâture, au premier coup de canon, une clientèle à qui on avait promis l’anonymat en vertu de ce même secret bancaire. Soit dit en passant, d’autres fortunes en Asie ou au Moyen-Orient ne semblent pas avoir le même problème avec la Suisse…

  5. Linceul 1 mars 2014 at 23:51 #

    Burkhalter se trompe d’époque, nous ne sommes plus en 1992 où le petit monde politique avait accepté le verdict des urnes. Ce petit monde joli oublie que la résistance s’organise tranquillement sur les réseaux sociaux, des liens se font, des contacts se cristallisent entre les régions, entre les Suisses et les Européens sans que les médias n’en parlent. Un printemps suisse s’initie, ailleurs. Burkhalter représente ce petit monde mou qui plie et pliera toujours face à l’UDC, mais finis les compromis sur des valeurs essentielles. Parce que la démocratie se joue sur d’autres terrains, que les peuples veulent assumer leurs destins dans la rue. Burkhalter n’est que le dernier souffle du passé, une sorte d’Argovien qui parlerait le Romand. Burkhalter est une sorte d’archaïsme suisse qui a renoncé à la modernité, un autisme désagrégé d’une nostalgie naïve.

  6. Michèle Herzog 3 mars 2014 at 16:16 #

    @M. Campiche: Merci pour votre analyse et vos explications. Je n’ai jamais cautionné ce secret bancaire. Et je pense que les citoyens qui le cautionnaient ne se rendaient pas compte, comme moi d’ailleurs, de l’ampleur de la fraude réalisée. Les citoyens américains qui ont fraudé connaissaient le secret bancaire suisse mais connaissaient aussi les lois de leur pays. Ils savaient aussi que ce secret bancaire suisse était en pleine évolution. Les banquiers sont responsables de leurs actes, mais les clients probablement aussi. Etant donné que c’est toujours le plus fort qui gagne (le plus riche), les banquiers vont gagner … A moins qu’enfin les choses changent … On va voir si les déclarations de M. B. Dougan concernant sa responsabilité reportée sur les employés “voyous” vont être admises. Je pense que la justice suisse, qui a aussi fermé les yeux concernant ces actes illicites et sans éthique, est aussi responsable de la situation actuelle. Meilleures salutations.

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