Affaire de Crimée, c’est quoi le problème: le droit international, les médias, la géopolitique?


Lu au télétexte de la RTS de ce 2 mars 2014, à propos du feu vert de Vladimir Poutine pour l’envoi de troupes en Crimée: «lors d’un appel téléphonique, le président Barack Obama a affirmé à son homologue Vladimir Poutine qu’il avait violé la loi internationale.»

PAR BERNARD WALTER

Cela ne date pas d’aujourd’hui que les USA, et leurs alliés du camp occidental, Israël en particulier bien sûr, invoquent le droit international quand ça les arrange, et s’en moquent le reste du temps. Le président Obama ne faillit en rien à cette tradition. Mais quand il fait la leçon à la Russie,  après tout ce que nous savons de l’Irak, de Guantanamo et de l’Afghanistan, il prend vraiment son interlocuteur pour un crétin, et nous avec.

Il n’est pas le seul à prendre les gens pour des crétins. Les médias – en l’occurrence le télétexte –  font de même lorsqu’ils se contentent de reproduire l’information sans le moindre commentaire de nature à la situer dans son contexte global. Ou pire encore, lorsqu’ils parlent, pour ne donner qu’un exemple, des «rêves de grandeur de Vladimir Poutine». Ils s’associent ainsi à l’ indignation (!)  d’Obama, et invitent leurs ouailles à en faire autant. Donnant par là-même la démonstration de leur servilité sans limite et de leur fonction de «chiens de garde» du système, comme le dit Serge Halimi.

Nos médias pourraient rappeler qu’il existe une notion pratiquée par les puissances dominantes, que l’on range avec un peu de pudeur sous l’étiquette de géostratégie. Cette notion s’approche le plus souvent de la notion, non écrite et non avouée bien que prééminente, de droit du plus fort. Les USA ont codifié depuis longtemps, en deux étapes, la règle première de leur politique internationale. La première de ces étapes, en 1823, c’est la doctrine Monroe, qui dit pour l’essentiel: «L’Amérique aux Américains». Ce qui signifie que les USA ont le droit exclusif de regard et de réglementation sur tout ce qui se passe dans les Amériques: Amérique du Nord, du Sud et Amérique centrale.  La deuxième étape, c’est ce qu’on appelle la «Big stick policy» («Politique du gros bâton») du président Théodore Roosevelt, au début du 20e siècle. Ce qui dit bien ce que ça veut dire: «Attention, pas touche, celui qui s’attaque aux intérêts américains dans la région aura du bâton, du gros bâton.» Comme l’on sait, les USA ont ensuite progressivement étendu cette «philosophie» à toute la planète.

Et ces messieurs voudraient que Poutine, comme un gros naïf, laisse se démanteler ce qu’il considère comme le périmètre de sécurité de son pays, à  commencer par l’Ukraine où ses adversaires occidentaux ont entamé depuis pas mal de temps leur travail de sape pour s’assurer un contrôle sur ce pays!

 

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9 commmentaires à “Affaire de Crimée, c’est quoi le problème: le droit international, les médias, la géopolitique?”

  1. Michèle Herzog 3 mars 2014 at 15:55 #

    Cher Monsieur,
    Je ne soutiens ni la politique d’Obama, ni celle de Poutine. Les Présidents de ces deux pays utilisent leur puissance pour s’ingérer dans les affaires d’un pays qui n’est pas le leur et transgressent les lois quand cela les arrange. Et cette fois il s’agit de l’Ukraine. La situation géographique de la Crimée est telle que naturellement Poutine va tout faire pour essayer d’obtenir que la Crimée soit à nouveau rattachée à la Russie. Et cela par la force. Ce qui n’est pas acceptable. Meilleures salutations.

  2. Bernard Walter 3 mars 2014 at 16:44 #

    Je vous entends bien, Madame. Mais je pense essentiel de tenir compte de l’ensemble de la situation, et là est la raison d’être de mon article.
    Si la Russie ne se protège pas, elle va se faire dévorer par le camp occidental. Quant à nous, nous nous faisons dévorer par la propagande dudit camp occidental.

  3. Christian Campiche 3 mars 2014 at 17:40 #

    La situation est plus complexe que ce que pensent (ou pensaient) Washington et Bruxelles. Membre de la CE et voisine de l’Ukraine, la Hongrie, par exemple, observe Maïdan d’un oeil très critique. Il y a une minorité hongroise en Ukraine, qui n’aimerait pas faire les frais de la montée du nationalisme ukrainien.

  4. Michèle Herzog 3 mars 2014 at 18:02 #

    A M. Walter: Vous dites: si la Russie ne se protège pas …. Le problème c’est que la Russie attaque ! Si les Russes restaient chez eux en défendant leurs frontières ce serait normal. Mais là, il ne s’agit plus de se protéger, mais d’envahir la Crimée (endroit stratégique). L’attaque est la meilleure défense, mais là ce n’est pas acceptable. Meilleures salutations.

  5. Christiane Betschen 3 mars 2014 at 22:05 #

    Je recommande à Mme Herzog d’écouter la première partie de l’émission “forum” de dimanche 2 mars. L’un des protagonistes brosse un tableau clair d’une situation qui est complexe. Et il met en évidence les manifestations pro-russes tant en Ukraine qu’en Crimée, lesquelles sont totalement passées sous silence par nos media.

  6. Bernard Walter 4 mars 2014 at 11:35 #

    J’entends bien ce que vous dites, Madame Herzog. Permettez-moi de vous répondre encore une fois.
    Les USA traversent la planète pour fomenter leurs troubles afin de déstabiliser les diverses régions du globe et pouvoir intervenir. Et semer leurs guerres là où ils le jugent utile.
    Ce qui n’est pas le cas de la Russie. S’ils laissent ce genre de jeu se faire passivement, toute leur région va être “Otanisée”, comme le dit un commentateur. Et ils se feront dévorer.
    Nos pays sont intoxiqués par la propagande occidentale. Ca me désole de voir à quel point des gens qui réfléchissent aux choses, dont vous faites partie, peuvent eux-mêmes être victimes de cette intoxication par les médias dominants.

  7. Michel Zimmermann 5 mars 2014 at 11:34 #

    Chers “polémistes”, d’un point de vue purement géo-stratégique, il faut bien reconnaître que l’impérialisme US (dominant) constitue pour l’ensemble de la Russie une menace directe. Il n’est que de rappeler les missiles et missiles-anti-missiles déployés un peu partout autour de son territoire par l’OTAN, notamment en Pologne, pour s’en convaincre. Cela étant, et nonobstant les élucubrations de certains “commentateurs éclairés” évoquant une prétendue réactivation de la “guerre froide”, il faut se rendre à l’évidence et comprendre que, tant l’impérialisme US que ses cousins de l’Est, les oligarques maffieux issus de la nomenklatura soviétique faillie, toutes les composantes parasitaires du régime putréfié de la propriété privée des moyens de production ont l’irréfragable besoin, pour tenter de se prémunir de leurs colères, de terroriser les peuples. Tout est bon, et surtout les conflits armés sciemment orchestrés, pour y parvenir. En Syrie, toutes les options, pourvu qu’elles soient destructrices, sont bonnes à prendre : elles constituent un message clair aux peuples soulevés de Tunisie et d’Egypte. En Ukraine, où les politiques du FMI et de l’UE ont liquidé des pans entiers de l’ancienne économie collectivisée, les milices “nationalistes” et crypto-fascistes, tout comme ce fut le cas en Yougoslavie dans les années 90, ont proliféré sous les effets convergents du chômage, du désarroi et du soutien croisé de ex-bureaucrates reconvertis en bourgeois “ordinaires” et des services secrets de l’Occident.
    En pleine crise de décomposition, le régime du pillage capitaliste a besoin de semer terreur, chaos et destructions pour écraser les peuples et leurs légitimes revendications. Le jeu des “zones d’influence”, l’instrumentalisation des minorités, la légitimation (un jour oui, un jour non) de forces obscurantistes ou islamistes, l’armement de pseudo-éthnies pour déclencher des guerres de rapines et financer l’économie de guerre sont, en Crimée, en Syrie, en Afghanistan, au Pakistan, en Irak, en Palestine et dans toute la corne de l’Afrique, le moyen par lequel les multinationales, Wall Street et toutes les frauduleuses institutions de la “gouvernance mondiale” assurent la pérennité (toute relative) de leur domination.

  8. Michèle Herzog 5 mars 2014 at 13:48 #

    Bonjour, Je n’ai pas du tout la prétention de connaître tous les faits qui ont eu lieu ou qui ont lieu concernant la Crimée. Mais je constate qu’un peuple dépend de la décision d’une seule personne (Poutine), en plus non élue au Gouvernement de ce peuple là (Ukrainiens) et cela est totalement scandaleux. Et très inquiétant aussi. Cela montre que les démocraties ne sont pas respectées. Et que tout un peuple risque bien à nouveau d’en être victime. Meilleures salutations.

  9. alexa 18 mars 2014 at 17:35 #

    Bonjour. Je pense qu’au-delà de ce que les gouvernements ont planifié en Crimée – étant conscient de mon ignorance à ce sujet-là -, il est clair que l’élément le plus navrant est le fait de savoir que toute une diversité, un petit univers cosmopolite – des personnes venant des tous les coins de l’Europe cohabitaient d’une certaine façon – est en danger. Un danger de polarisation, de remise en cause de leur cohabitation harmonieuse multiculturelle. La chasse aux minorités, la chasse du pouvoir est, comme toujours, à l’ordre du jour.

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