St Nazaire, les chantiers de la gloire


N’en déplaise à Arnaud Montebourg, heureusement qu’il y a encore des capitaux étrangers pour sauver les entreprises françaises.

PAR MARC SCHINDLER

Si les chantiers navals de Saint Nazaire ne devaient compter que sur les capitaux français pour financer des bateaux, il y a longtemps qu’ils auraient fait faillite. Le sauveur de Saint Nazaire s’appelle … Non, je ne vous parle pas des deux navires porte-hélicoptères Mistral commandés par Vladimir Poutine et qui donnent des maux de tête au gouvernement français. Le sauveur de Saint Nazaire, celui qui vient de commander deux paquebots géants pour 1,5 milliard d’euros, s’appelle Mediterranean Shipping Company (MSC). La société appartient à un ancien capitaine italien, Gianluigi Aponte. Selon un ancien dirigeant de la compagnie, Gianluigi Aponte «a fondé son entreprise en 1970 grâce à un prêt qui lui a permis d’acheter un navire allemand d’occasion appelé Patricia. Un an plus tard, il a acheté un autre navire baptisé Rafaela, le nom de son épouse. Et les premières affaires importantes de MSC se sont déroulées entre la Méditerranée et la Somalie». Le chiffre d’affaires de MSC est estimé à 25 milliards de dollars et la fortune de son propriétaire à 2,8 milliards de dollars. Il figurait en 2008 à la 412e position de la liste du magazine financier américain «Forbes» qui répertorie les hommes les plus riches de la planète. En 2001, le slogan du groupe était: «La terre couvre un tiers du globe, nous couvrons le reste». Pour la modestie, MSC ne craint personne! l n’y a pas de raison: MSC est le N° 2 mondial du transport maritime. Selon son site, MSC possède 460 bateaux, dont 445 porte-conteneurs. Ne cherchez pas à en savoir plus, MSC ne publie pas de résultats financiers et ne répond pas à la presse. Vous saviez, vous que Genève, une ville d’un pays qui n’a pas d’accès à la mer, est la Mecque du transport maritime mondial? Parce qu’elle «a été capable d’offrir un réseau qui intègre à la fois des sociétés de trading, des banques, des compagnies d’assurance, des sociétés de shipping et de contrôle de qualité».Toujours la qualité suisse.

J’ai pourtant eu la chance, comme journaliste, d’être exceptionnellement reçu par un dirigeant de MSC pour une interview pour la Télévision suisse. Le siège mondial de MSC est un immeuble somptueux caché dans la verdure d’un quartier chic et discret de Genève. Dans le hall de marbre, une ancre géante et des maquettes des bateaux de la compagnie. Un directeur suisse de MSC a accepté une interview. Pas sur la société maritime, mais à propos du Défi français de la Coupe de l’America. En 1997, Marc Pajot décide de courir encore une fois la Coupe de l’America, la fameuse compétition maritime pour milliardaires. Il a trouvé un nom, Fast 2000, et surtout un partenaire en Suisse, le club nautique de Morges, une petite ville suisse au bord du lac Léman, et son prestigieux marin, Pierre Lehmann, le Tabarly suisse. Problème: comment transporter en Nouvelle-Zélande l’énorme voilier? Le bourlingueur suisse a une idée: on va demander à MSC d’assurer le transport avec un de ses porte-conteneurs géants. En contre-partie, le logo de MSN figurera sur la coque du Défi français. Un moyen de financement courant dans le monde de la compétition en haut mer.

L’affable directeur suisse a volontiers répondu à mes questions sur la Coupe de l’America, un bon moyen d’améliorer l’image de MSC surtout auprès des futurs clients de ses croisières en Méditerranée. Combien coûtera à MSN le transport du voilier géant? Un sourire navré: «nous ne répondons pas à ce genre de question.»

 

Les bons dollars de MSC ont sauvé les chantiers navals de Saint Nazaire, qui appartiennent pour 66% au consortium sud-coréen STX et pour 33% à l’Etat français. Mais il a fallu des mois de bras de fer avec les syndicats CGT et FO pour qu’ils acceptent un nouveau «pacte social» qui doit permettre de réaliser sur trois ans 21 millions d’euros d’économie et permettre de proposer une offre plus attractive à l’armateur italo-suisse MSC Cruises. Selon le site Mer et Marine, «il s’agit aussi de redonner sur le plan financier une bouffée d’oxygène à l’entreprise, qui commençait à s’engager sur une pente extrêmement dangereuse, avec des marges devenues quasi-inexistantes et, pour maintenir la charge de travail, la prise de commandes à des prix trop bas.» Le risque, c’est que MSC, qui a fait fabriquer tous ses paquebots à Saint Nazaire, aille cherche ailleurs des prix plus intéressants.

Le dossier des chantiers navals de Saint Nazaire était devenu une sacrée patate chaude pour Arnaud Montebourg. En mai dernier, la maison mère STX, déficitaire, fragilisée par le ralentissement du marché de la construction navale dans le monde, était en situation délicate vis-à-vis de ses créanciers. Début avril, le conglomérat a annoncé qu’il n’était pas en mesure de rembourser ses dettes dans les temps prévus, ce qui a fait plonger son action à la Bourse de Séoul. STX envisageait de vendre Saint Nazaire et le syndicat FO avait appelé l’Etat au secours en réclamant sa nationalisation. Montebourg, pour une fois inspiré, a fait répondre que les chantiers avaient besoin de commandes, pas de nouveaux actionnaires. La commande de MSN est donc une sacrée bouffée d’oxygène pour le gouvernement français et le maire PS de Saint Nazaire, à la veille des municipales. Montebourg pourrait dire, comme Georges Pernoud, le pacha du magazine de la mer Thalassa: «Et bon vent!»

L’auteur est journaliste retraité dans le Gard.

 

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