La poésie de Georges de Muralt


SÉQUENCE

Il avait commencé petit.

Au sortir de la bibliothèque, il y bouta le feu dans un accès de rage incandescente. Qu’après avoir longuement contemplé la page calcinée à ses pieds, il passa son chemin roulant les charbons de l’enfer au fond des orbites.

Sa première victime ne fit que décupler sa faim. Un fémur en guise de cure-dent, il dévora l’humanité et de cannibale muta vers un monstre. Chaque hoquet renvoyé émit le choc d’un jeu de quilles osseuses.

Ce charnier pourtant réclamait de l’eau. Fleuves, lacs et océans réunis dans sa paume telle une coupe, il aspira le tout jusqu’à la lie. Une fois la dernière goutte essuyée du revers de la main, il se coucha faire la sieste.

L’ironie du sort voulut qu’à l’instant une feuille vînt chatouiller ses vibrisses et le fît éternuer. En guise de représailles, il déracina un par un les arbres et les cassa en deux comme l’eût fait un enfant d’une vulgaire allumette.

Mais bientôt il se sentit à l’étroit. Prenant appui sur une chaîne de montagnes, il sauta dans l’espace et en météorite s’écrasa sur la première planète venue.

L’impact l’avait affaibli.

Il se mit donc en quête de nourriture et parcourut ces étendues désolées des mois entiers. Excepté un point fixe à l’horizon, rien ne semblait indiquer une circonférence quelconque.

À bout de forces, il buta soudain contre un objet qui le projeta au sol. Quand il se retourna enfin, la découverte fut si brutale qu’il se liquéfia littéralement sur place.

Il avait aperçu un livre.

Poème de Georges de Muralt, paru dans le triptyque “Au-delà des abîmes“, Editions Baudelaire, 2014.

Après 279, ce livre est la deuxième parution de Georges de Muralt (photo). Né à Turnhout (Belgique) en 1981, l’auteur vit en Suisse. Voici comment il décrit son triptyque:

“Trois livres pour un même condensé introspectif “:

. en vers libre et mêlé, De Temporibus oscille entre le matérialisme de la chute et la suspension du vide ;
. s’inspirant d’un procédé classique en peinture, le vers en prose de Clair-Obscur (ndlr: duquel est tiré la poésie que nous publions) est un prisme aux multiples facettes qui ne manquera pas d’éblouir ;
. enfin, 279 et des poussières revient au vers classique pour souffler le dernier grain – définitivement.

“À un cheveu près, un an et sept mois de gestation pour un accouchement éclair de cinq mois. Possible?”

 

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Un commentaire à “La poésie de Georges de Muralt”

  1. Biggs 7 septembre 2015 at 09:02 #

    Chapeau mon ami. Tout ça a bien évolué

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