Du bon usage des moyens mis à la disposition de la politique publique


Les entreprises privées mesurent le succès de leur action à l’évolution de leur chiffre d’affaires et plus précisément de leur bénéfice. Et un insuccès durable peut les conduire à la faillite et par conséquent à leur disparition.

PAR JEAN-CLAUDE CREVOISIER

Les institutions politiques ne disposent pas d’un tel outil de régulation de leur action. Cela dit, je vois venir les partisans de la privatisation des services publics pour lesquels il suffit de tout ramener au système marchand. C’est oublier que de nombreuses prestations sociales ne sauraient être considérées comme de simples marchandises, que tous pourraient librement acquérir moyennant le paiement de leur valeur commerciale.

Quelques exemples? Sauf à nier toute nécessité de justice sociale et de solidarité tant intergénérationnelle qu’interrégionale, les charges de la formation, de la santé et de la sécurité notamment doivent être collectivement assumées et partagées. Les inégalités de départ, dues entre autres à la naissance, au revenu, à la fortune, à la localisation géographique ne peuvent être (que très partiellement d’ailleurs) compensées sinon corrigées par l’État régulateur et redistributeur. Et celui-ci décide, pour couvrir les coûts engendrés par cet interventionnisme, d’un arsenal de taxes et d’impôts.

Le débat politique porte dès lors aussi bien sur le genre et l’ampleur des services et prestations publics que sur la nature et l’importance des prélèvements fiscaux. Dans ce débat, permanent, la gauche prône plutôt la générosité dans les prises en charges sociales et l’adaptation subséquente des recettes de l’État alors que la droite se montre très restrictive tant sur l’évolution dépenses publiques (sauf dans le domaine de la sécurité) que sur la fiscalité. En définitive, un équilibre et un accord sont enfin trouvés, parfois dans la douleur pour une certaine période.

Resterait alors à s’assurer du bon usage des moyens mis à la disposition de la politique publique. Ne serait-ce que pour confirmer la justesse et l’adéquation des choix effectués. Mais là, comme pour justifier la reprise du débat de fond entre la gauche et la droite notamment lors de l’arbitrage budgétaire suivant, les parties ne s’entendent quasiment jamais sur des modalités et des critères d’évaluation de l’action publique. Préférant de façon récurrente, à un débat dépassionné autant que constructif, le choc d’intérêts particuliers ou catégoriels et l’affrontement d’opinions hautement subjectives. Oubliant au passage le mécontentement devenu chronique d’un citoyen qui adhère alors de plus en plus souvent à des solutions simplistes (y’a qu’à) prônées par les extrêmes (en fait en Suisse «un» extrême). Les urnes deviennent dès lors le seul moyen de sanction de l’action publique par le corps électoral. Une procédure binaire (oui ou non, gauche ou droite) qui rend difficile l’interprétation nuancée d’un éventuel échec et par conséquent une réorientation rationnelle des choix futurs.

Et pourtant, des solutions de veille systématique de l’opinion publique existent. Mises en place par l’État, elles permettraient une mesure fiable (donc non biaisées) des effets de l’action étatique et favoriserait une sorte d’autorégulation des dispositifs (le canton de Vaud par exemple a mis en place pour cela une Cour des comptes).

Article paru dans “Courant d’Idées“.

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