Action publique, un retour des cahiers de doléances?

Qui se soucie aujourd’hui de mesurer la qualité et l’efficacité de l’action publique?

PAR JEAN-CLAUDE CREVOISIER

Une entreprise qui ne se préoccuperait pas de contrôler la qualité et l’efficacité de son activité se verrait vite sanctionnée par le marché. L’évolution de son chiffre d’affaires renseigne en gros ses dirigeants sur la satisfaction de la clientèle. Mais ce seul critère est insuffisant lorsque l’entreprise offre plusieurs produits ou services à des ensembles très diversifiés de personnes. Une analyse plus fine de ses résultats économiques s’impose pour savoir ce qui doit être amélioré voire corrigé, pour abandonner ce qui ne trouve plus preneur, pour innover de façon à éviter d’être marginalisé et remplacé sur un marché par un concurrent plus imaginatif. Les entreprises sont ainsi amenées, pour durer et plus encore pour se développer, à mettre en place une batterie d’indicateurs qui les renseignent en continu sur l’adéquation de leur production aux besoins des publics visés. L’évaluation des résultats est donc ici intrinsèquement liée à l’action de production. Le succès et parfois la survie en dépendent.

L’autisme du secteur public

L’action publique n’est que trop rarement évaluée sur la base de tels critères objectifs. Cela tient certainement au fait qu’en l’occurrence le public concerné est en quelque sorte captif. Quelques privilégiés seulement, fortunés de surcroît, peuvent se “délocaliser” pour profiter d’un “meilleur” service public et plus souvent (convenons-en) pour échapper aux exigences notamment fiscales d’un État.

À défaut d’une culture d’efficience, réfléchie et assumée, les responsables politiques se contentent généralement, lors des élections, de la mesure quadriennale de la satisfaction de leurs électeurs. Contribuant de ce fait à nourrir l’insatisfaction chronique des citoyens; une insatisfaction qui se traduit en particulier soit par l’abstentionnisme, soit par un vote protestataire en faveur de candidats de partis populistes qui promettent des solutions certes immédiates mais la plupart du temps irréalistes.

Et pourtant ils existent, les moyens permettant d’évaluer en continu et d’améliorer, lorsque cela se révélerait nécessaire, l’action publique. Nous avons déjà évoqué ici (en vain jusqu’à ce jour), la mise en place d’un système d’enregistrement, d’analyse et de synthèse des plaintes des personnes confrontées à des difficultés politiques ou administratives. Nous nous sommes référés pour cela à un service de médiation (comme l’ombudsman) qui identifierait la nature des plaintes et dirigerait celles-ci vers le bon lieu de décision.

Internet à la rescousse

Face toutefois à l’inertie voire à l’autisme des élus, qui prendrait aujourd’hui l’initiative d’ouvrir et de rendre publics des nouveaux cahiers de doléances? Une façon d’offrir une perspective au moins d’écoute et pourquoi pas de solution à des personnes mettant en cause, souvent à raison mais aussi parfois à tort, une prestation de l’État ou d’une autre collectivité publique.

Internet pourrait par exemple être utilisé pour héberger une forme moderne de cahier de doléances. Une application à développer offrirait, d’un côté à tout administré mécontent la possibilité de présenter sous une forme structurée sa revendication. D’un autre côté, cet outil informatique générerait automatiquement une synthèse des plaintes enregistrées, ce qui faciliteraient ensuite non seulement leur lecture mais surtout l’élaboration des réponses politiques ou administratives à apporter aux problèmes identifiés.

Ainsi, dans le canton du Jura, la mise en place d’un tel dispositif serait certainement de nature à faire mieux accueillir sinon accepter le projet d’économies OPTIMA actuellement en discussion.

Courant d’Idées

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