Elections, piège à c…


Si on vous demandais de voter pour un binôme – en français, un candidat et une candidate par canton – aux élections départementales, sans vous dire exactement quels sont les pouvoirs de ces conseillers généraux, qu’est-ce que vous feriez?

PAR MARC SCHINDLER, Alès

Vous voteriez avec les pieds pour le premier parti de France: les abstentionnistes. C’est exactement ce que plus d’un Français sur deux a fait, ce 22 mars 2015. Pourquoi deux candidats de sexe différent? Mais pour la parité, stupide! Aujourd’hui, dans les assemblées régionales, 80% des conseillers sont des hommes. Surtout des retraités et des fonctionnaires. Alors, le gouvernement a redécoupé les cantons et imposé la parité. Et tant pis si le résultat, c’est qu’il y aura plus de conseillers élus qu’avant, alors que le nombre de cantons a diminué. Le fameux millefeuilles administratif est vraiment le dessert préféré des Français!

Les élections départementales passionnent les partis, qui y voient une simulation grandeur nature de ce qui pourrait se passer en 2017 lors de la présidentielle. Le premier ministre et le patron de la CGT ont flingué à tout va Marine Le Pen, qui compte bien ramasser la mise de ce poker menteur. Comme prévu, les socialistes ont pris une déculottée, les droites (UMP, centristes et leurs satellites) ont repris du poil de la bête et le Front national a pavoisé en se proclamant «premier parti de France». En réalité, c’est dimanche 29 mars 2015 que les choses sérieuses vont commencer: il faudra départager les candidats au second tour et décider si on s’allie ou non avec le FN pour barrer la route au PS ou à l’UMP. Et là, ça va cogner dur! On se régale déjà d’entendre les leaders politiques s’affronter sur les plateaux de télévision, en affirmant tous qu’ils ont gagné.

Ces gesticulations politiciennes, les Français s’en foutent. Ils sont écrasés par la crise, le chômage et les hausses d’impôts. Ils en ont marre des promesses électorales jamais tenues. D’ailleurs, la plupart des candidats n’ont pas osé afficher leur couleur politique. Ils ont enfilé leur tenue de camouflage. Au lieu de PS, UMP, ils ont préféré présenter des listes au nom rassurant, comme à Alès dans le Gard: «Alès Ré-unie» pour le Front de gauche; «Le bon sens gardois» pour l’UMP. Mais les électeurs ne sont pas dupes, ils savent depuis longtemps la couleur politique des candidats pour qui ils voteront… ou pas. Ne leur demandez pas s’ils ont lu les programmes électoraux ou même parcouru les tracts déposés dans leur boîte à lettres. Ils se souviennent sûrement des rodomontades de Georges Frêche, le truculent président du Languedoc-Roussillon, un fin renard politique au langage de charretier: «Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %; moi je fais campagne auprès des cons… Dans ma carrière, j’ai fait trois campagnes intelligentes où je parlais aux gens d’emploi, d’économie, d’investissements, et je les ai perdues. Et j’ai fait vingt-sept campagnes rigolotes, à raconter des blagues de c…, et je les ai toutes gagnées.»

Ces électeurs ingrats n’ont aucune pitié pour les conseillers sortants battus aux élections. Actuellement, un élu battu touche une indemnité de fin de mandat pendant six mois. «Un maire battu aux élections n’a pas le droit à Pôle emploi. Il s’agit que les élus n’aient pas moins de moyens que le reste de la population parce que ça peut freiner les ambitions de ceux qui voudraient s’engager», explique le député PS Philippe Doucet, rapporteur du texte qui prévoit que l’indemnité sera versée pendant un an et que les battus pourront «transformer leur expérience en diplômes via le système de validation des acquis, une mesure qui vise à faciliter le reclassement en entreprise». La loi sur le statut des élus n’a pas pour seul objectif d’atténuer le choc des défaites électorales, mais surtout de diversifier le profil des élus, en facilitant l’engagement des salariés du secteur privé et des femmes notamment. Pas de chance, la loi a été votée à l’unanimité, mais elle n’entrera en vigueur qu’au 1er janvier 2016. Des milliers de braves conseillers qui se sont dévoués pendant des années pour leur canton vont se trouver au chômage technique, sans pouvoir s’inscrire à Pôle emploi. Plus dure sera la chute: du jour au lendemain, vous n’êtes plus celui à qui on vient demander d’engager son cousin à la mairie ou une subvention pour son club de pétanque. Vous n’existez plus socialement, vous êtes Pierre X, celui dont on se moque à l’apéro: tu sais le candidat qui a pris une veste aux élections! Selon la célèbre maxime: «En politique, on succède à des imbéciles et on est remplacé par des incapables».

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4 commmentaires à “Elections, piège à c…”

  1. Bernard Walter 23 mars 2015 at 21:18 #

    Les socialistes, quelle dérouillée. Ils le méritent bien, et c’est tragique pour les prolos toutes nationalités confondues, paysans, chômeurs… C’est le Front national qui va récolter les fruits de la casse. C’aura le mérite, peut-être, de rendre les choses plus claires et de cristalliser une vraie opposition. Mais pour combien de temps ?
    Mais quand aux infos on nous dit que maintenant le jeu politique se fait à trois, ça fait rigoler. On a les riches et un peu de classe moyenne d’un côté, les pauvres (appelez-les comme vous voulez) et un peu de classe moyenne de l’autre, et les troisièmes, c’est qui ?

  2. Bernard Walter 24 mars 2015 at 07:48 #

    Pour être clair, la réalité sociale, c’est un monde coupé en deux: les nantis d’un côté, les “autres” de l’autre. (Avec au milieu une classe moyenne dont on ne sait plus trop ce qu’elle est ni de quoi elle est faite.) Les privilégiés ont trois partis pour les défendre: FN UMP et PS.

  3. Christian Campiche 24 mars 2015 at 09:54 #

    Je ne suis pas sûr que le FN soit le parti des possédants, c’est le drame. Au contraire je crois qu’il capitalise sur les moyens et bas revenus, les “petites gens” déçues par une grande partie de la gauche qui se la joue bling-bling et mondialiste. J’aimerais bien savoir comment celle-ci se positionne par rapport au TAFTA, l’OTAN économique que nous mijote Washington en l’absence de tout débat parlementaire. Un autre sujet d’étonnement, quand même, est l’absence de force politique alternative. Où sont les verts? Quant aux décroissants, ils offrent un projet de société intéressant mais ils n’ont pas voix au chapitre, pour l’instant du moins. Le phénomène n’est pas seulement français, soit dit en passant.

  4. Bernard Walter 24 mars 2015 at 13:51 #

    Je suis absolument d’accord avec toi, Christian. A force de bouffer du communiste (donc en somme tout ce qui se situe à gauche), les socialistes ont préparé un bon matelas pour le FN. Pauvres pauvres, vers qui se tourner maintenant, sinon vers le FN ? Ce genre de parti populiste a toujours été une pieuvre à deux bras qui pêche ses bases dans les couches populaires, mais qui en même temps est un parti libéral déguisé. Une émanation de la droite donc, qui fait le jeu des possédants même si ceux-ci ont leurs clubs au sein de l’UMP.

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