On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs ! Qui mangera l’omelette ? Qui payera les œufs?
PAR BARBARA FOURNIER, Collectif Gare
Prenez une Place de la Gare, petite portion de Lausanne pas glamour et bien congestionnée.
Prédisez un nombre vertigineux de consommo-voyageurs.
Elargissez les quais, allongez les voies, comme de la pâte à gâteau, et ajoutez-y vite fait 10’000 m2 de magasins.
Démolissez pour les besoins de la cause un grand locatif à loyers très modérés, un fleuron de l’hôtellerie pas chère, une maison particulière, des jardins et un parking vieux d’à peine 30 ans.
Rebaptisez le tout Pôle Gare et claironnez, juste à côté, la création d’un super Pôle muséal, en rasant une Halle aux locomotives célébrée il y a peu comme lieu idéal pour abriter les Beaux-arts.
Coincez encore deux autres musées dans cette impasse, à ras le rail, en conviant au concours des étoiles de l’architecture.
Sous la Place de la Gare éventrée, rajoutez une station de M3, c’est utile.
Menez ce processus en l’assaisonnant d’un succédané de participation citoyenne, le départ des déplacés involontaires ayant été négocié.
Caressez les médias dans le sens du pôle, et pointez les opposants comme les ennemis du progrès urbain et de la gloire culturelle.
Laissez mijoter 10 ans en fermant les yeux et les oreilles, et le tour est joué!
Enfin, presque. Des riverains déterminés se battent encore en justice contre le pavé démesuré du MCBA qui promet d’enclaver la moitié de Ruchonnet. Et le Collectif Gare va lancer une action pour sauver ce qui échappe au pouvoir et à l’argent: la mémoire… puisqu’à Lausanne, on aime tant faire de grosses boulettes en cassant des lieux!
… Fermez pendant deux ans le Buffet de la Gare, haut lieu de poésie, rendez-vous des égarés et des écorchés, cercle populaire de lecture. Rouvrez-le sous l’enseigne de la Migros ou de la Coop…
La gare de Cornavin à Genève n’a peut-être pas tout à fait la même importance, c’est vrai ! mais les Genevois se sont battus, avec une partie de leurs Autorités, et ils ont gagné : l’extension de la gare est prévue en sous-sol et il n’y aura pas de démolition de bâtiments dans le quartier derrière la gare. Y a-t-il des personnalités du monde politique qui seraient prêtes à lutter à vos côtés ?
Oui, hélas, la configuration lausannoise est bien différente. Aucun soutien politique n’est venu, en dépit des efforts du Collectif Gare pour alerter les élus, au niveau de la commune et du canton. Une alternative à la démolition des bâtiments sur le tracé des voies prolongées et des quais élargis n’a jamais été perçue comme une exigence, et même pas comme une option par nos autorités. Le relogement était à leurs yeux l’unique solution. Idem pour la démolition programmée des Halles aux locomotives, un patrimoine industriel expédié en deux temps trois mouvements…
Je vais partager votre texte le plus largement possible.