Chronique de France – Quand tout va mal, sondez!


En France, tout va mal. Le président est discrédité, le gouvernement est à la ramasse, le PS est en morceaux, l’UMP est plombé par les magouilles, le chômage explose, les électeurs ont le blues et Radio France est en grève depuis quinze jours. Mais que fait la police ?

PAR MARC SCHINDLER, Alès

Quand tout va mal, c’est pain bénit pour les instituts de sondage. Le site Huffington Post, jamais en retard d’un coup de pub, saute sur l’occasion et publie un grand sondage sous le titre vendeur: «Crise au pouvoir». Attention les yeux: «Après une nouvelle défaite magistrale de la majorité socialiste aux élections départementales et alors que la percée du Front national menace de déstabiliser l’équilibre même de la Ve République, c’est bien la démocratie représentative telle qu’elle fonctionne aujourd’hui qui est rejetée par un grand nombre de Français… les institutions de la Ve République (Président, premier ministre, Parlement… etc) sont dépassées. Un jugement majoritaire quel que soit l’orientation partisane des sondés et qui atteint 74% chez les électeurs de Marine Le Pen et 65% chez ceux de Jean-Luc Mélenchon. Même les sympathisants socialistes sont 49% à exprimer leur désarroi à l’égard d’un système politique pourtant dirigé par leur propre champion.»

Ca vous surprend? C’est que vous n’écoutez jamais les potins de comptoir à l’apéro, que vous ne lisez jamais le courrier des lecteurs et que vous n’allez jamais au marché surprendre les dialogues populaires. Les spécialistes du sondage découvrent enfin le fil à couper le beurre! «Près de deux Français sur trois (64%) estiment désormais que les rôles du président et du premier ministre «ne sont plus adaptés à une gouvernance efficace du pays et doivent être redéfinis»… 69% des sondés «déclarent ne pas se reconnaître dans le système parlementaire actuel». La belle découverte! C’est bien pour ça qu’un électeur sur deux va à la pêche, le jour des élections.

Quand on leur demande comment sortir de la crise, 58% des Français disent qu’ils veulent que les députés soient élus à la proportionnelle intégrale. Génial: «Si ce mode de scrutin avait été mis en place aux dernières élections législatives, il aurait offert jusqu’à 85 députés au FN (contre 2 aujourd’hui), 30 au Front de Gauche (contre 10 aujourd’hui) et 24 aux écologistes (contre 17 aujourd’hui)… Réduits à 220 (contre 300 sous le scrutin majoritaire), les socialistes auraient eu toutes les peines du monde à gouverner sans le soutien d’alliés.» Vox populi, vox dei.

Les électeurs ne sont pas dupes: «577 députés et 348 sénateurs pour 60 000 000 de français constituent une charge financière non négligeable en ces temps de disette budgétaire. Pourquoi ne pas prendre modèle (comme on le fait souvent! ) sur les Etats unis d’Amérique: 435 représentants et 100 sénateurs pour 319 000 000 d’habitants.»

Vaste programme! L’exception française, c’est que quand on veut changer quelque chose, tout le monde est d’accord… mais pas chez moi! La concurrence chez les taxis, le tiers payant chez les médecins, la taxe pour les camions, la fin des professions protégées? Les corporations menacées descendent dans la rue. Et les élections des présidents des conseils généraux ne vont pas améliorer l’image des politiciens: dans les départements, c’est un concours d’arrangements et de petites magouilles entre amis et ennemis pour décrocher la présidence et caser ses copains.

Et pendant ce temps, les entreprises licencient à tour de bras, les magasins sont vides et les Français ont la gueule de bois électorale. Les scandales financiers et les affaires de pédophilie dans les lycées se multiplient. La ministre de l’Education nationale propose un nouveau calendrier de réformes des vacances scolaires, qui fait hurler parents et enseignants. Pour les instituts de sondage, c’est tout bon: les Français qui râlent, c’est encore du grain à moudre!

Un lecteur désabusé a peut-être raison: «Ce n’est pas une crise du pouvoir: laissez les chats prendre le contrôle du monde et vous verrez que tout le monde sera heureux».

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Un commentaire à “Chronique de France – Quand tout va mal, sondez!”

  1. Bernard Walter 3 avril 2015 at 08:13 #

    Marc, je propose un titre différent à votre article. Par exemple:
    Mais tout va bien Vive le capitalisme !

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