Le Pen, combien de millions?


Dans la famille Le Pen, je demande le père, Jean-Marie, 86 ans, que ses partisans appellent «le commandeur», le «président d’honneur» du Front national, plusieurs fois condamné pour ses dérapages racistes. Au FN, on a une curieuse conception de l’honneur!

PAR MARC SCHINDLER, Alès

L’interview que le vieux politicien a accordé à l’hebdomadaire d’extrême droite “Rivarol” a mis le feu aux poudres dans la famille Le Pen et au Front National. Un festival de provocations: «les chambres à gaz, un détail de l’histoire»; il y a au FN «d’ardents pétainistes»; «je n’ai jamais considéré le maréchal Pétain comme un traître»; «il y a un lobby gay au sein du FN». Pour Marine Le Pen, la coupe est pleine: «Jean-Marie Le Pen semble être entré dans une véritable spirale entre stratégie de la terre brûlée et suicide politique. Compte-tenu de cette situation, j’ai informé Jean-Marie Le Pen que je m’opposerai, lors du bureau politique du 17 avril prochain qui doit investir les têtes de listes pour les élections régionales, à sa candidature en Paca». Louis Alliot, vice-président du FN et ancien chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen, en rajoute une couche: «l’entretien de JMLP dans ce torchon antisémite est parfaitement scandaleux et nos désaccords politiques désormais irréconciliables». Entre les Le Pen, père et fille, c’est désormais la guerre totale.

Mais comme chacun sait, le nerf de la guerre, c’est l’argent. Et Jean-Marie Le Pen a une force de frappe redoutable: sa fortune personnelle, estimée à plus d’un million et demi d’euros. Il y a des années que le fisc s’intéresse au patrimoine de Jean-Marie Le Pen. Selon Mediapart: «des soupçons d’enrichissement illicite pèsent désormais sur l’ex-candidat à la présidentielle, ancien pupille de la nation devenu fortuné grâce à l’héritage contesté du cimentier Lambert, et dont le patrimoine a fait l’objet de nombreuses polémiques ces dernières années». Selon son ex-épouse, le «président d’honneur» du FN aurait aussi un compte non déclaré de 10 millions d’euros en Suisse. Evidemment, Jean-Marie Le Pen dément énergiquement.

L’autre arme financière, c’est le Cotelec. Selon “La Flamme”, qui soutient le FN: «Cotelec – abréviation de «cotisation électorale» – a été créé en 1988 et mène depuis une existence discrète. Pas d’adhérent, pas de réunion publique, pas de programme… le parti a pour simple objectif d’amasser des dons pour financer les actions de Jean-Marie Le Pen et le Front national». La commission nationale des comptes de campagne précise: «Cotelec, structure fondée par Jean-Marie Le Pen en 1988, avait prêté 4 030 000 euros au Front national en 2013, lequel a versé 141 726 euros d’intérêts. Cela représente près de 80% des emprunts et dettes du Front national figurant dans ses comptes pour l’année 2013.»

Evidemment, le FN a besoin de beaucoup d’argent pour ses campagnes électorales. 40 millions, selon Mediapart. Les cotisations de ses membres auraient rapporté plus de 2 millions et le financement public plus de 5 ,5 millions en 2013. Comme les banques françaises refusent de lui prêter, c’est le Cotelec qui a obtenu un prêt de 9 millions d’euros d’une banque russe. Le patriarche a donc la haute main sur les finances du parti et une capacité de nuisance redoutable contre Marine Le Pen.

Une des raisons de la rupture entre Jean-Marie Le Pen et sa fille, c’est aussi le programme économique du FN. Selon Le Monde: «Marine Le Pen devient le chantre de l’antimondialisation et entend s’adresser aux classes populaires, «aux classes moyennes déclassées», aux «ouvriers comme aux petits fonctionnaires ou aux petits retraités». «A partir du moment où nous avons mis l’accent sur l’économique et le social, remarque Florian Philippot, nos scores n’ont fait que progresser.» Pour le patriarche, qui a toujours joué sur le patriotisme et la lutte contre les «socialo-communistes» pour gagner des voix, ce programme a un goût de socialisme. Face aux énarques experts économiques recrutés par Marine, son père préfère les métaphores viriles: «La politique, comme la vie, c’est un combat. Si l’on ne veut pas prendre de coups, on ne choisit pas d’être boxeur. Parce que si on choisit d’être boxeur, on sait qu’on peut gagner mais qu’on prendra beaucoup de coups.» 86 balais, pas gâteux, mais nocif!

 

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