Hillary, Bill et l’argent gris


Vous avez été séduit par le joli sourire et le courage d’Hillary Clinton, qui se lance à la conquête de la Maison Blanche.

PAR MARC SCHINDLER

Vous avez été conquis par l’interview qu’elle a accordée, il y a quelques mois, à la télévision française. Une femme qui a pardonné ses frasques sexuelles «inappropriées» à son pendard de Bill, qui a servi loyalement Obama, qui l’avait éliminée de la course à la présidence, cette femme a tout pour devenir la première présidente des Etats-Unis: l’expérience, le courage, le charisme, son mari Bill et l’argent de la fondation Clinton. Et voilà qu’un méchant bouquin vient bousculer la vaillante candidate: “L’argent des Clinton, l’histoire secrète, comment des gouvernements étrangers et le monde des affaires ont aidé Bill et Hillary à s’enrichir”.

Une bombe politique. Selon l’auteur, un conservateur proche des Républicains: «Pendant les années où Hillary était Secrétaire d’Etat, les Clinton ont mené ou facilité des centaines de transactions avec des sociétés étrangères, dont certaines leur ont fait gagner des millions». Par exemple: l’accord commercial entre les Etats-Unis et la Colombie, qui a profité à un gros donateur de la Fondation Clinton ou des projets de développement après le tremblement de terre à Haïti. Il y a quelques semaines, le “New York Times” a publié une grande enquête qui révélait la face sombre de l’empire: quand Hillary était aux affaires, le Département d’Etat a autorisé un accord qui a permis à une société russe d’acheter les droits de 20% de l’uranium américain et Bill a touché un demi-million de dollars pour une conférence organisée par une banque russe proche du Kremlin. Bien sûr, les adversaires républicains d’Hillary tirent à boulets rouges sur la candidate démocrate.

Tout le monde le sait: l’argent est le nerf de… la politique! Selon la fière devise d’Abraham Lincoln, l’Amérique est le pays du «gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple». Aujourd’hui, l’Amérique est une caricature de la démocratie, où l’argent de la corruption coule à flot pour financer la politique. En avril 2014, la Cour suprême des Etats-Unis a assoupli les règles du financement électoral, au nom de la liberté du citoyen à «participer au processus électoral». Un riche homme d’affaires de l’Alabama avait fait recours, il voulait donner plus d’argent que les malheureux 123 200 dollars autorisés tous les deux ans, «une grave atteinte à la liberté d’expression politique», selon son avocat. En réalité, la Cour suprême a ouvert toutes grandes les vannes de l’argent gris qui se déverse par milliards dans la politique. On ne parle pas des misérables millions des comptes de campagne des candidats français. On parle de milliards de dollars. En 2012, la campagne présidentielle américaine a coûté 2,6 milliards.

En France, c’est l’Etat qui finance les candidats, avec les cotisations des militants et les dons limités des citoyens. Sans compter les centaines des micro-partis, aimable euphémisme pour des pompes à finances électorales. Tous les partis se font prendre régulièrement les doigts dans le pot de confiture. Aux Etats-Unis, l’argent public ne couvre que le quart des budgets électoraux, mais la plupart des candidats y renoncent pour ne pas devoir limiter leurs dépenses. Pour gagner des voix, les candidats doivent taper les contribuables et les entreprises. L’imagination des politiciens pour trouver du fric est sans limites. Pour tourner les limitations de la loi, les candidats ont créé des comités de parti, les Political Action Comités (PACs), pour recueillir sans limite les gros chèques. En principe, les PACsne peuvent donner que 7 300 dollars à un candidat, 15 000 dollars à un parti et 10 000 dollars aux associations politiques. Il suffit de multiplier les PACs et les contributions s’envolent! Il y a aussi les dons discrets de milliardaires étrangers. Tous les présidents américains ont utilisé ces pompes à finances électorales. Et tous ont grassement récompensé leurs fidèles donateurs. Selon le site OpenSecrets, 80% des gros donateurs d’Obama en 2008 ont reçu des postes-clé dans l’administration. Parmi les récompenses les plus scandaleuses, le pardon de Bill Clinton au roi du pétrole Marc Rich, réfugié en Suisse pour échapper au fisc, qui avait gagné des milliards en vendant du pétrole iranien, malgré l’embargo, dont il avait fait profiter son ami Clinton.

Menant campagne dans son bus électoral, Hillary Clinton, dans un bel élan, a déclaré la guerre à l’argent gris: «Nous devons nous occuper des dysfonctionnements de notre système politique et éliminer l’argent non déclaré, une fois pour toutes, et même s’il faut modifier la Constitution». Noble intention, mais Hillary refuse de donner les noms des lobbyistes qu’elle a chargé de récolter de l’argent pour sa campagne. Selon la loi, personne ne peut obliger un candidat à révéler qui le finance. En 2012, tout ce que Obama avait rendu public, c’étaient les catégories de lobbyistes: entre cinquante et cent mille dollars; entre cent mille et deux cents mille; entre deux cents mille et un demi-million; enfin, au-dessus d’un demi-million de dollars. Au-dessus, c’est combien: 10, 20 millions? Hillary devrait peu-être rendre hommage à Benjamin Franklin, l’un des Pères fondateurs de l’Amérique, qui disait: “Rien n’est plus doux que le miel, sauf l’argent.”

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