De la mythologie nord-américaine, nous connaissons les figures de Billy the Kid, Calamity Jane et autres Bonny & Clyde, découverts dans des westerns colorisés, avec ou sans spaghettis.
PAR MIRKO HUMBERT
En Europe, on connaît moins la légende de John Henry, héros noir de la classe ouvrière, Stakhanov afro-américain au destin tragique.
Difficile de dire si le personnage a existé tant les récits sur sa vie se révèlent contradictoires. La légende le fait naître en 1840 dans l’Alabama, fils d’esclaves. Adulte, il travaille à la construction de voie ferrées. Doté d’une force herculéenne, il devient un ouvrier modèle.
L’entrepreneur qui l’emploie investit dans une machine à vapeur (ou marteau-pilon) destinée à accélérer la cadence, et au passage remplacer une partie de ses travailleurs. John Henry défie la machine. Il parie qu’il peut être plus efficace que le monstre d’acier. S’il gagne, ses collègues et lui garderont leurs postes.
Henry gagne son pari, il accomplit de justesse un peu plus de travail que le marteau pilon. Après la bataille, son coeur s’arrête. Il a travaillé plus que son corps ne pouvait le supporter. La machine est intacte.
Vous vous demanderez peut-être pourquoi je vous parle de John Henry et de son combat? Parce que les journalistes ont désormais aussi leur machine à vapeur.
Des logiciels, comme Wordsmith, qui peuvent en dix minutes produire plus d’articles qu’une rédaction entière en dix ans, investissent peu à peu les rédactions. Ces programmes sont capables de consulter d’immenses bases de données, qui prendraient une vie d’homme à lire, et d’en recouper l’information.
A première vue, la vision décrite dans le paragraphe précédent pourrait passer pour de la science-fiction de bas étage. Et pourtant, ces “robots-journalistes” sont déjà présents dans plusieurs rédactions, comme Associated Press. La principale agence de presse américaine utilise des logiciels pour générer des rapports boursiers, annonces de tremblements de terre, ou encore des compte-rendus d’homicides.
Quel avantage pour les rédactions qui utilisent ce système? Principalement la possibilité de couvrir certaines actualités en quasi-instantané, ce qui donne à ces médias une exclusivité pendant la vingtaine de minutes nécessaire au journaliste humain chez le concurrent pour produire un article. A l’heure de l’internet, c’est aussi la porte ouverte à une quantité quasi-illimitée de contenu sur tous les sujets possibles et imaginables, une mine d’or pour augmenter le traffic vers le site, ce qui permet de gonfler l’audience et de faire payer les annonceurs plus cher.
Côté journaliste, l’avenir s’annonce plus sombre. Les rédactions équipées de “robots-journalistes” pourront réduire les frais en se séparant de collaborateurs. La rude concurrence qu’ont connu les travailleurs manuels se propagera à des domaines qu’on imaginait mal être automatisés jusqu’à récemment. De nouveaux métiers liés à ces usages apparaîtront à coup sûr, mais il est peu probable qu’ils créent autant d’emploi.
Côté lecteur, on peut aisément s’imaginer que ce pilonnage rédactionnel sera indigeste. On parle déjà de surcharge informationnelle, problème qui ne peut que s’aggraver avec une production accélérée des contenus journalistiques. Les abonnés risquent de se détourner des journaux et autres sites de nouvelles, les articles ne seront alors plus lus que par les robots des moteurs de recherche, et la boucle sera bouclée.
………Sauf que, à ce jour, les ROBOTS qui investissent ou plutôt devrais-je dire
qui envahissent divers secteurs et métiers animés (encore) par les hommes, n’ont pas
d’esprit critique que je sache !
Les robots n’ont donc pas d »âme ni d’anima au sens où notre Yung national l’entendait. Et
donc de quoi avons-nous peur ?.. de ce phénomène contemporain de modes passagères et
limitées ? Personnellement j’aimerais que l’on parle un peu moins de ces TENDANCES
chez les journalistes, entre autres, et que l’on s’interroge sur la QUALITE de L’INFO
« SNOWDEN », qualité telle, qu’il a dû s’exiler pour échapper à une mise à mort annoncée.