Barça-Valls: 3-0


On avait eu le coup de boule de Zidane, qui lui avait valu un carton rouge en finale de la Coupe du monde 1998.

PAR MARC SCHINDLER, Alès

On vient de vivre la mascarade de la réélection de l’inusable maestro suisse de la FIFA, le temple de la corruption, et sa démission forcée. Et voici que le premier ministre français, fan du Barça, n’écoute que sa passion du ballon rond pour s’envoler vers Berlin assister au triomphe des Catalans. Décidément, il y a quelque chose de pourri au royaume du foot! Trop de fric, trop de passion chauvine, le ballon rond, c’est une drogue dure qui fait péter les plombs des joueurs, des dirigeants et des politiciens.

Que Manuel Valls en ait eu marre de ses petits camarades socialistes au congrès de Poitiers, on comprend. Entre les fiers artistes catalans du ballon, à la tunique rouge et or, et les tristes militants du PS, y a pas photo! Mais alors, faut assumer. Il faut avoir le courage de dire: j’ai besoin de respirer l’air des champions, j’ai besoin de gueuler «Olé Olé Campeones!, Barça, Barça y Barça!», je me casse. Et bien non, Manuel Valls l’a jouée petit bras: j’ai une réunion importante avec Platini, le président de l’UEFA, je suis en mission officielle pour la France, je vole donc avec l’avion du gouvernement. Une facture de 14 000 euros? Les contribuables ne vont quand même pas empêcher le premier ministre de la France de faire son métier! Et, puisqu’il y a encore des places dans l’avion de la République, j’invite mes deux enfants à la réunion de la FIFA… euh au match.

Evidement, les critiques sont tombées en rafales, comme à Gravelotte, du Front national aux Républicains, ces parangons de vertu, comme chacun sait. Comment, le premier ministre gaspille les deniers de la République pour assouvir sa passion du foot, c’est scandaleux, une faute politique inexcusable! Alors, on ne comprend plus. Qu’un Zidane pète un câble devant les injures d’un adversaire italien, passe encore. On peut être un grand champion et avoir la tête près du bonnet. Mais qu’un animal à sang froid comme le premier ministre français se laisse piéger comme un bleu et aggrave son cas avec des excuses de cour d’école! «Je suis premier ministre. Je me déplace avec les moyens que vous connaissez. N’essayez pas de créer de faux débats… Je travaille beaucoup, je m’engage beaucoup. Et puis de temps en temps, il y a aussi un moment de détente, même s’il y a de la tension et de la passion dans le sport.»

Le pouvoir rend fou ou, en tous cas, fait perdre à ceux qui le détiennent le sens des responsabilités. Ils ont tous été pris le doigt dans le pot de confiture: Giscard et les diamants de Bokassa, Chirac et les emplois fictifs de la mairie de Paris, Mitterrand et ses escapades en Egypte avec sa fille Mazarine, Sarkozy et sa sauterie présidentielle du Fouquet’s. Tous auraient pu proclamer: l’Etat, c’est pour moi! Quand on émarge au budget de l’Etat pour 11 000 euros par mois, avec voiture de officielle, gardes du corps, logement de fonction, régime fiscal très généreux et retraite en or, on a de la peine à comprendre que le Français moyen montre les dents quand ces «princes qui nous gouvernent» abusent de leur pouvoir et font régler leurs plaisirs par l’argent public.

Je me souviens de ce que m’a dit un jour Pierre Salinger, qui fut porte-parole du président Kennedy, quand je lui ai demandé ce qu’était le pouvoir. «Quand j’étais à la Maison Blanche, j’appuyais sur un bouton et j’avais une voiture, un hélicoptère, un avion. Après la mort de JFK, je me suis retrouvé à l’aéroport et personne pour porter mes valises. J’ai compris ce que c’était, le pouvoir!»

Cet aveu, aucun homme politique français n’aurait osé le faire. En France, l’usage immodéré des fonds publics est une des prérogatives du pouvoir, à droite comme à gauche. Comme l’écrit si bien doc philo dans un commentaire du “Monde”: «Le Berlin -gate est un délicieux bonbon , croisement de la bêtise de Cambrai et du sirop de Vals, à déguster sans modération.» Carton rouge pour Valls? Même pas peur! En politique comme au foot, l’important, c’est de durer. C’est la saison du mercato, mais le président Hollande n’a pas l’intention de virer son centre-avant, tant qu’il marque encore des buts.

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