France-Mexique, la mano en la mano


Décidément, la France et le Mexique marchent la main dans la main, depuis le célèbre discours du général de Gaulle à Mexico, en octobre 1964, avec cet inimitable accent français: « Marchemos la mano en la mano».

PAR MARC SCHINDLER, Alès

Les présidents français adorent le pays des sombreros. Du général de Gaulle à François Hollande en passant par Giscard, Mitterand, Chirac et Sarkozy, ils se sont tous rendus au Mexique en visite officielle. Cette année, c’est El Presidente de los Estados Unidos Mexicanos Enrique Pena Nieto, qui est l’invité d’honneur de la France aux défilé du 14 juillet. Et tant pis, si sa campagne de 2012 a été financée par l’achat de votes. Si la France ne devait recevoir que des politiciens honnêtes, il n’y aurait jamais personne dans la tribune officielle aux côtés du président de la République!

Qu’on invite le président mexicain, passe encore. Mais que la France, patrie des droits de l’homme, fasse défiler 150 cadets dont des membres de la nouvelle gendarmerie mexicaine, formés par les pandores français, cela fait tousser la présidente d’Amnesty International: «Les disparitions forcées, la torture et les détentions arbitraires constituent des pratiques répandues parmi les forces de sécurité et de police mexicaines». Les forces armées mexicaines ont une vieille tradition de brutalité, dans un pays rongé par le trafic de drogue. La lutte des cartels entre eux et contre les forces de sécurité ont fait plus de 100 000 morts et 26 000 disparus. En septembre dernier, 43 étudiants ont disparu. Massacrés par les trafiquants, selon la thèse officielle. Liquidés avec la complicité de policiers et de l’armée, affirment les défenseurs des droits de l’homme. Le président Pena Neto avait promis de respecter les droits de l’homme et de mettre fin à l’impunité des soldats accusé de crimes contre les civils. On attend encore les résultats!

Le Mexique est une démocratie à la mode sud-américaine: des institutions élues qui fonctionnent, mais une société cannibalisée par la guerre contre la drogue et le blanchiment. Des politiciens qui ont d’étranges complicité avec les narcos, et une armée qui se revendique comme la seule autorité capable de gagner la guerre de la drogue. Une frontière avec les Etats-Unis qui «a transformé le Mexique en zone tampon où se trouvent tous les migrants d’Amérique latine qui souhaitent aller aux États-Unis sans y parvenir. Cela vient aussi fragiliser le Mexique. Sans parler de l’import illégal d’armes venant des États-Unis, où elles sont en vente libre, et qui viennent alimenter la violence dans notre pays», selon Irma Sandoval, professeure à l’université nationale autonome du Mexique.

Bref, tout sauf un grand pays démocratique. Entre Paris et Mexico, ce n’est pas le grand amour, mais le réalisme du business, qui marche la main dans la main. Le Mexique est un géant économique, qui a longtemps vécu sur sa rente pétrolière. Les Etats-Unis absorbent encore 80% de ses exportations, mais le pays veut attirer les capitaux étrangers. Selon “Les Echos”, «Tiré par la demande des Etats-Unis, le pays connaît une croissance continue de ses exportations (hors énergie) qui bénéficie plus directement à l’électronique et à l’automobile. Désormais quatrième exportateur mondial de voitures, le Mexique concentre sur son sol toutes les marques internationales attirées par le marché américain. Kia, le coréen, vient de s’installer dans le sillage de Fiat, BMW ou encore Nissan.» Le Mexique exporte un milliard de dollars par jour dans le monde. Mais un misérable 0,35% en France. Pour les Français, «Le Mexique, c’est une plate-forme d’exportation, la porte d’entrée vers l’Amérique du Nord.» Pour le Mexique, la France pourrait être un tremplin pour conquérir les marchés africains. Le président Pena Nieto est accompagné par une cinquantaine de patrons mexicains et une soixantaine d’accords économiques vont être signés.

En avril 2014, Hollande, en visite au Mexique, avait affirmé: «Chaque fois que nous invitons un chef d’État qui représente pour nous un pays ami, c’est pour partager ses valeurs. Et avec le Mexique, qui est aussi un pays révolutionnaire, nous avons en commun les valeurs de liberté, d’émancipation, de dignité et nous voulons aussi bâtir un ordre plus juste.». Les politiciens ne sont jamais avares de déclarations emphatiques. A chaque fois, il faut activer la machine à déchiffrer. Résumé cyniquement: dans le monde d’aujourd’hui, les droits de l’homme, c’est beau, c’est généreux. Mais ça ne rapporte pas grand-chose, ça ne remplit pas les carnets de commandes, ça ne fait pas tourner les usines. Laurent Fabius, le partisan de la diplomatie économique, aurait pu reprendre le titre du film inachevé du grand cinéaste soviétique Eisenstein, en 1931, sur l’histoire du Mexique: Que viva Mexico!

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