La BNS, un pion au service des Etats-Unis?


Le franc suisse poursuit sa tendance baissière face à l’euro et s’approche du fameux taux-plancher de 1,20.

PAR LILIANE HELD-KHAWAM

Les observateurs qui ont été conditionnés à ramener toute leur analyse de la politique monétaire suisse à ce taux de conversion s’en réjouissent.

Ce genre d’analyse est certainement confortable par sa simplicité. La réalité est plus complexe que de simples points à mesurer dans le temps. Elle est surtout dérangeante par le sentiment tenace que la BNS ment au public pour avoir les coudées franches.

Il est de plus en plus évident que la BNS est instrumentalisée pour servir les intérêts des entités Nord-américaine et européenne dans leur course à la suprématie financière mondiale.

Pour cela, la BNS dépense sans compter. Son bilan explose. Il est toujours plus chargé d’actifs toxiques difficiles à vendre qu’elle achète au prix fort, ce qui contribue à les maintenir à des valeurs artificielles et surfaites.
 La BNS continue à acheter massivement des devises (euro et US dollar) investies principalement dans les dettes publiques vouées tôt ou tard à un défaut de paiement.

Nous voyons sur le tableau précédent que les emplettes de la BNS ont crû d’environ 48 milliards de dollars entre le 2ème trimestre de 2014 et celui de 2015. Selon le convertisseur du jour, cela revient à 47 milliards de francs suisses.
 De manière légèrement inférieure, la BNS a accru son bilan de 40 milliards d’euros durant la même année. Cela équivaut à 43.5 milliards de francs actuels.

Ainsi, la BNS a favorisé les Etats-Unis dans ses choix aussi bien au niveau de l’achat de leur devise, des actions de Wall Street mais aussi de la dette publique.

Les trois directeurs tout-puissants de la BNS devraient expliquer en quoi les investissements massifs dans la monnaie américaine affaibliraient le franc suisse face à l’euro. En quoi cette politique expansionniste atlantiste participe à stabiliser les prix alors que la déflation qui est en train d’entraîner le pays vers la récession n’est ni abordée, ni traitée?

Non, nous ne pouvons nous satisfaire d’un ratio euro/franc suisse favorable. De même que nous ferions preuve de faiblesse intellectuelle de penser qu’en achetant massivement des dollars, la BNS participerait à affaiblir l’euro…
 La raison de la politique américaniste de la BNS est à chercher ailleurs. Il serait envisageable qu’elle soit en train de participer à compenser les ventes du premier créancier des Etats-Unis: la Chine.
 En effet, selon zerohedge la Chine aurait vendu pour 180 milliards d’obligations américaines sans que cela ne suscite l’intérêt des médias…

Et voici ce que Bloomberg rapportait: «La Chine a réduit son portefeuille d’obligations américaines ce mois afin d’obtenir les dollars nécessaires pour soutenir le yuan suite à la dévaluation choc d’il y a 2 semaines, d’après des personnes familières avec le dossier.
 Ces transactions ont eu lieu via la Chine elle-même ainsi que via des agents en Belgique et en Suisse, a déclaré l’une de ces personnes qui ont souhaité conserver l’anonymat vu que l’information est confidentielle.»

Ces transactions, auxquelles il est fait référence, se font sur sol suisse et forcément via la fameuse BNS. La Suisse avec le très long bras de la BNS est au cœur des leviers financiers mondiaux. Ses éventuelles prises de positions en faveur des Etats-Unis face à la Chine peuvent à elles seules expliquer la présence d’une antenne BNS à Singapour. Notons en passant que depuis la création de cette dernière en 2012, nous n’avons vu ou entendu aucun commentaire.

(…) Nous nous réjouissons de voir les motifs que pourrait invoquer la BNS pour maintenir les taux d’intérêts négatifs quand le ratio euro-franc suisse aura atteint 1,20. Elle n’aura plus alors d’excuses pour ponctionner l’épargne et les retraites. Il lui faudra trouver d’autres sources de financement ou annoncer plus clairement la confiscation des épargnes.

Dans ce contexte de prise de position dans une guerre monétaire planétaire des questions s’imposent. Que fait la BNS dans cette galère? Qui lui a donné mandat pour batailler au profit de puissances étrangères avec l’argent du public? Comment nos trois directeurs de la BNS expliquent-ils ce soutien massif à l’administration américaine sans aucune contrepartie au peuple ou à l’économie suisse?

Il est évident que la BNS est instrumentalisée par l’étranger pour soutenir les politiques financières des uns et des autres passant largement au-dessus des institutions publiques, des intérêts de la Suisse, de ses citoyens, de leur pouvoir d’achat.
 Cet argent qui coule à flot dans un flux continu en direction de l’étranger se fait contre les intérêts de l’économie réelle, des réels propriétaires de ces finances et avec la garantie de leurs gains futurs.

L’article complet sur le blog de Liliane Held-Khawam.

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Un commentaire à “La BNS, un pion au service des Etats-Unis?”

  1. noel 20 juin 2016 at 09:52 #

    En lisant tous les articles consacrés par LHK à la politique monétaire menée par la BNS, on est frappé de prime abord par le penchant de Liliane pour les chiffres et les graphiques. Mais à vrai cela n’est guère surprenant du fait que Liliane est économiste et comme ses collègues elle préfère donner le primat aux faits pour étayer son argumentation.De fait, l’orientation de la politique monétaire suscite des interrogations au cours de ces dernières années du fait que le franc suisse se trouve isolé comme monnaie refuge sur le Continent, alors que la fréquence des crises tend à augmenter. En gros, on reproche à la BNS d’acheter trop de dollars et d’actions américaines et parfois des actions en perte de vitesse ou non éthiques (actions du complexe militaro-industriel américain).. Il y a une part de vérité dans cette présentation des faits, mais la situation semble aux yeux du candide que je suis plus complexe pour la BNS.
    dans la mesure où l’institution considérée comme le parangon en matière d’indépendance et de sérieux monétaire se trouve, depuis l’éclatement de la crise des dettes souveraines dans la zone euro, plutôt dans une situation subie que choisie.
    Le mandat de la BNS lui impose de défendre la qualité de la monnaie émise tout en gardant un oeil vigilant sur la conjoncture et tout particulièrement sur l’emploi. Les dirigeants de la BNS continuent à se référer à la stabilité des prix, alors que l’inflation est un mal imaginaire et que la déflation est une vraie menace.
    Il me semble que la politique monétaire suisse a atteint ses limites et qu’aujourd’hui la BNS ne maîtrise plus son destin, car l’efficacité de ses actions est fortement conditionnée par les incertitudes affectant la zone euro, sans doute en raison de la forte dépendance de la Suisse vis-à-vis de l’UE.De ce point de vue, la planche de salut résiderait sans doute dans une diversification des échanges économiques. Mais force est de constater qu’une telle stratégie ne pourrait porter ses fruits qu’à long terme, en attendant le franc pourrait faire souffrir les exportateurs tout particulièrement si les partisans du “leave” l’emportaient en Grande-Bretagne. Le voile d’ignorance sera levé sous peu..
    Plus généralement, la discussion sur le mandat de la BNS pourrait cesser d’être un tabou. S’il est admis que la monnaie est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des politiciens préoccupés par le court terme et l’agenda électoral, il est aussi vrai que la gestion de la monnaie confiée à des techniciens non élus au suffrage universel suscite des interrogations, et ce d’autant plus que les dirigeants de la banque centrale prennent des décisions ayant des conséquences économiques, sociales et politiques. En résumé la Suisse devrait résoudre l’équation suivante : mettre à l’abri la BNS des lobbies en tout genre et dans le même temps rendre plus responsables les membres du directoire, quitte à réviser à la baisse leurs rémunérations ou le budget de l’institution en cas de mauvaises décisions au plan technique.

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