Le salon de l’auto satisfait le politiquement correct au détriment de la rationalité


Porteurs de beaucoup d’espoirs, le salon de l’automobile 2016 a fini par décevoir du fait de l’offre conformiste des constructeurs.

PAR AUGUSTIN LE MIERE

Certes, commercialement parlant, le salon a fermé ses portes sur un succès, à tout le moins au niveau des entrées: 687000 à deux heures de la fermeture, 0,7 °/o de plus que l’année précédente. La majorité des visiteurs sont venus de Suisse, 30 % de France, 3% d’Allemagne, 1% d’Autriche. Mais que dire de plus sans tomber dans le remoulu?

Je le précise d’emblée: l’automobile restera toujours pour moi un domaine de Passion, avec un grand P. Ce cri lancé, une interrogation me taraude après cette énième édition. Elle me vient de la constatation d’un décalage entre ce que j’ai vu et les discours ambiants sur l’écologie, la lutte contre la pollution, les bouchons, la chasse au Co2 et autres gaz, les particules fines, l’autonomie, les accidents dus à la vitesse, etc, etc…

Le “grand show” ne colle pas à ces beaux programmes. J’ai été frappé par l’aspect figé dicté par la sacro-sainte loi du marché. L’angoisse de la page blanche, en quelque sorte, qui fait que les constructeurs tablent sur les valeurs sûres. Ils semblent paniqués à l’idée de ne pas vendre. Il est vrai qu’aujourd’hui la robotique doublée du numérique permet de fabriquer 3000 à 4000 véhicules généralistes par jour. De quoi freiner les décideurs dans leurs volontés de changement. De quoi donner des sueurs froides aux financiers.

L’exemple le plus frappant qui illustre à mon avis ce raisonnement est la Tesla, certes pas une nouveauté cette année. On peut considérer cette berline haut de gamme 100% électrique d’une manière traditionnelle: jolies proportions, dans les canons stylistiques du moment, conduite très agréable, bon équilibre des masses, gros pouvoir d’accélération, confort avec suspension oléo-pneumatique pilotée, connectique à la page avec grand écran et multiples fonctions, et j’en passe, tous les clichés et artifices sont là.

Le ticket d’entrée ne passe pas inaperçu non plus: quelque 70000 euros! La vision moins classique eût été de se dire que l’on pouvait faire autrement grâce au changement de technologie. L’audace aurait été de partir de la page blanche, faire abstraction du passé et de la culture automobile pour établir un cahier des charges précis et nouveau. Occasion ratée. Le sommet de l’absurde est la “calandre” noire et le capot moteur alors qu’une voiture électrique, par définition, n’a pas de radiateur. Toute la voiture est basée sur ces critères de marketing. On satisfait le politiquement correct de l’heure au détriment de la rationalité.

Autre exemple instructif: le «downsizing», soit la réduction de la cylindrée des moteurs pour chasser le Co2 et autres gaz. L’idéal dans une perspective environnementale serait de l’introduire par une diminution des échappements. Or c’est le contraire qui se passe, les constructeurs grossissent visuellement ces derniers, en y ajoutant même des fictifs pour l’esthétique symétrique. Leur objectif est bien de miser sur une impression de puissance. Idem pour le bruit. Alors qu’une cylindrée plus petite permettrait logiquement de le limiter, on recrée au contraire des bruits artificiels de gros moteurs plus ou moins «mélodieux», restitués par les hauts-parleurs des systèmes audio.

Des cas similaires, on en trouvait à toutes les croisées du salon. De sorte que je ressens finalement un grand immobilisme, pas de créativité majeure. Ayant été en Chine l’été dernier, je suggérerais d’imiter cette région du monde qui s’est dégagée du passé et de l’histoire sans toutefois les reléguer totalement aux accessoires. Il n’y a que les nouvelles normes qui poussent au changement, sauf quand elles font machine arrière comme cela a été le cas récemment à Bruxelles. Le taux des rejets en gaz et particules fines a été augmenté après l’affaire Volkswagen pour ne pas déstabiliser l’économie et le marché.

Bref en synthétisant tout en restant positif, ce salon de Genève a porté le rêve mais il serait bien inspiré de veiller à réfléchir au véritable changement que l’on nous promet depuis des années. Il en aurait les moyens , vu qu’il se trouve dans un pays qui n’a pas de grands constructeurs automobiles généralistes, donc qui jouit d’une certaine neutralité…

Donc vivement l’édition 2017 pour vérifier si les exposants en sont capables!

L’auteur est concepteur de projets automobiles à Paris.

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