Pourquoi certaines personnes sont-elles insensibles aux émotions que procure la grande musique?
PAR ALBERT EBASQUE
Est-ce une question d’éducation ou bien s’agit-il d’un aspect de nature essentiellement culturelle? Sans doute un peu des deux mais vraisemblablement culture et identité jouent un rôle essentiel dans ce phénomène propre à chacun de nous. La plupart des mélomanes ont eu la chance de grandir dans une famille bercée par la musique classique ou bien d’avoir eu des parents musiciens. Pour les autres, il s’agit souvent d´une rencontre fortuite ou d’un concert qui ont déclenché un choc émotionnel décidant de leur vocation artistique ou bien de leur amour pour la mélodie.
La musique classique – ce que l’on appelle communément la grande musique – est un langage universel capable de déclencher des émotions chez un très grand nombre de personnes dans le monde. Et même si, par exemple, dans la plupart des pays d’Asie les goûts musicaux sont fort différents, de grands interprètes comme Lang Lang mais aussi d’autres que lui peuvent rivaliser avec les meilleurs artistes européens dans des registres de «notre» répertoire classique. Une sonate de Schubert ou bien une pièce de Claude Debussy peuvent donc émouvoir sous toutes les latitudes ou presque. Mais il est vrai qu’écouter le Requiem de Mozart dans un temple bouddhiste n’a certainement pas le même effet que de l’entendre dans une belle cathédrale gothique… le contraire étant sans doute aussi exact. La grande musique, c’est donc avant tout une émotion de l’ouïe mais c’est aussi une question d’ambiance, de lieu, d’atmosphère.
Woody Allen disait: «Quand j’entends du Wagner, j’ai envie d’envahir la Pologne…» Certaines partitions ont un pouvoir étonnant auprès des foules ou bien au plan individuel. Il reste que les djihadistes de Daech n’écoutent certainement pas du Wagner pour partir au combat ainsi que l’on pouvait le voir dans le film «Apocalypse Now» de Francis Ford Coppola en 1979 avec la Chevauchée des Walkyries comme fond musical sur une attaque héliportée américaine contre un village vietnamien. Les islamistes considèrent d’ailleurs la musique comme un tabou absolu, sans doute parce qu’elle développe chez l’être humain un sentiment de bonheur et de liberté qui n’est pas conforme à leur lecture du Coran. Fort heureusement, cette position rigoriste est très largement minoritaire au sein du monde musulman.
Sachons éduquer les jeunes oreilles à la musique, qu’elle soit classique ou moderne. Cela développe chez l’enfant un sens de la rigueur, de l’écoute et de l’esthétique. Des éléments qui leur seront utiles dans leur vie d’adulte car ce sont des qualités que l’on a souvent du mal à retrouver chez certains de nos contemporains. La musique – notamment classique – a une fonction sociale et devrait être une matière obligatoire dans les enseignements primaire et secondaire. Ainsi, il faut voir ce que Faycal Karoui, chef d’orchestre français d’origine tunisienne, parvient à faire à Pau avec des enfants de banlieues défavorisées, et ce au sein de son organisation «El Camino». Ces jeunes ne connaissent pas le solfège mais après plusieurs mois d’efforts parviennent à interpréter de grandes pièces du répertoire classique. Conséquence: leur comportement en devient profondément modifié avec plus de discipline, de rigueur et de sociabilité.
«La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent» disait le grand Pablo Casals. Certaines cantates de Bach ont de réelles vertus thérapeutiques et on se demande bien pourquoi elles ne figurent pas au registre des médicaments remboursés par la Sécurité Sociale. Surprenant, non?
Merci, par cet article, de nous rappeler ce que la musique et l’art sous toutes ses formes nous apportent. C’est bien plus profond et nourrissant que le divertissement, souvent assimilé à l’art, qui, lui, occupe le temps et donne un sentiment de vacuité.
Ce lien vidéo sur El Camino: https://www.youtube.com/watch?v=mITftertoM4