Mère Teresa de Calcutta, qui a dédié sa vie aux plus déshérités, a été déclarée sainte le 4 septembre 2016 par le pape François.
PAR HANS PETER GANSNER
La messe de canonisation a été célébrée dans la matinée sur la place Saint-Pierre devant quelque 120.000 fidèles.
Moins de tam-tam médiatique avait fait sa Sainteté un an auparavant, par sa phrase: les animaux ont aussi le droit à une place au Paradis! Pourtant, cette deuxième déclaration mérite également une certaine attention.
Déjà Karl Marx refléchissait au sort des pauvres bêtes: „Pour un veau, le sacrifice est toujours la première et la dernière fois“, et il ajoutait: „Les animaux également attendent la révolution avec impatience.“
Et avant lui, Alphonse de Lamartine vénérait les animaux, surtout les chiens.
Pendant sa jeunesse à Milly, et aussi dans la cour et dans les forêts autour du Château de Saint-Point, notre noble poète est souvent entouré de chiens de chasse extrêmement racés. Et quand il se cachait dans la cabane du batelier, qui l’avait conduit de Coppet du château de Mme de Staël à Nernier en exil, car il n’était pas « enclin à faire la guerre » avec Napoléon pendant les 100 Jours, un chien errant est venu vers Lamartine pour lui faire supporter la solitude: “Partout où il y a un malheureux, Dieu envoie un chien. L’homme ne le voit pas toujours” (“Souvenirs de jeunesse”).
Nernier, village de pêcheurs en face de Coppet, où le batelier Favre avait transbordé Lamartine en sécurité. Il vivait ici dans le grenier à foin d’une grange, et la fille du batelier lui apportait chaque jour discrètement un omble, pêché dans le Lac Léman. D’après les informations, dont l’auteur de cet article dispose, ils ont eu un enfant ensemble, et dans la région du Chablais français on dit encore aujourd’hui, qu’il y a des personnes qui ressemblent au poète…
Mais quand il part en bateau à la fin de son séjour de rêve, unique période heureuse de sa vie, comme il écrira à la fin de son existence, le chien ne voulant pas quitter son nouveau maître et voulant le suivre à la nage – le fidèle animal se noie: pleurs de la belle fille du batelier. Ah, le rôle important des chiens dans les textes sacrés de l’Inde, de l’hindouisme et du bouddhisme qui sont parcourus de chiens énigmatiques, presque déifiés! Ainsi dans l’épilogue du Mahâ-Bhârata, le héros Youdhishthira refuse le paradis, si son chien bien aimé n’y entre pas avec lui, et en plus, sans examen approfondi donc, en même temps que lui!
Comme Lamartine le rapporte dans son “Cours familier de littérature”. Et bien sûr on pense aussi au fameux vers qui se trouve dans “Jocelyn”, lorsque celui-ci s’adresse de façon rassurante à son chien Fido: “Ne crains pas que de toi devant Dieu je rougisse!” Le pieux Jocelyn n’entre pas au paradis sans son chien: si Dieu refuse l’entrée de son animal de compagnie, Jocelyn restera dehors, lui aussi, voilà: un point, c’est tout…
Le château de Coppet, où M. et Mme de Staël accueillaient les réfugiés hostiles à Napoléon I.
(Texte non publié. Tous droits réservés)
L’auteur, Hans Peter Gansner, est poète, homme de théâtre, essayiste et romancier grison. Il est établi à Schaffhouse après avoir vécu de longues années à Genève et en Haute-Savoie. Il a publié l’an dernier aux éditions SIGNAThUR un roman, «Das Vipernnest», inspiré de l’héroïsme de jeunes résistants helvétiques en France voisine pendant la Deuxième guerre mondiale. A signaler également chez le même éditeur (2014) l’essai “Genfereien”, une promenade lyriquement historique à travers le canton de Genève.