Pour tous ceux qui s’intéressent à la question de l’implantation d’éoliennes à la Vallée de Joux, il est manifeste que la Vallée est sur cette question coupée en deux. On ne peut plus parler de dialogue, mais plutôt d’une guerre de tranchées.
PAR BERNARD WALTER
A ce jeu-là, on sait bien que le nerf de la guerre, c’est la finance. La campagne actuelle montre à l’évidence que le camp pro-éolien dispose de moyens énormes, le rapport de force est disproportionné. Les opposants au projet n’ont pour toute arme que la conviction qu’ils défendent une juste cause.
Jeudi soir 1er septembre 2016 avait lieu au Brassus une conférence organisée par les opposants au projet. La soirée a été marquée principalement par deux interventions remarquables. L’une de Jean-Bernard Jeanneret, physicien, tout menu par l’apparence et la voix discrète, mais grand par le savoir et l’honnêteté. L’autre de M. Magnenat, spécialiste en aéronautique.
Mon propos ici n’est pas de fournir un compte-rendu de ces exposés. Je ne peux que dire à quel point l’exposé de M. Jeanneret était rigoureux, et appuyé sur une impressionnante recherche de données. Quant à M. Magnenat aviateur, sa contribution s’appuyait particulièrement sur son expérience de pilote, avec comme moment très fort un film pris de son avion démontrant les turbulences du vent dans une région à la topographie aussi irrégulière que celle du Jura.
C’est alors que, au moment des questions, les champions de la cause pro-éolienne combière, MM. Bourqui et Raymondin, lesquels avaient amené M. Daniel Brélaz en renfort, ont en quelques phrases tonitruantes démoli les patientes démonstrations des conférenciers du soir.
L’intention n’était de leur part certainement pas de s’informer. Et sans doute, l’erreur des organisateurs a-t-elle été d’ouvrir un débat qui n’avait pas lieu d’être, car alors il eût fallu deux heures supplémentaires aux pro-éoliens pour développer leur argumentation, plus deux heures pour les réfutations et contre-réfutations. Tout ceci n’a rien d’un dialogue.
Ne reste plus qu’à crier plus fort que l’autre, c’est à dire par exemple à inonder les boîtes aux lettres de courriers tous-ménages, comme le fait le camp pro-éolien, avec quels fonds, je ne le sais évidemment pas.
Aujourd’hui, c’est cela la démocratie. Celui qui dispose des plus gros moyens financiers a un avantage tel que généralement, il l’emporte.
Mais revenons au fond de la question.
A l’époque, on nous a dit, au moyen de campagnes ayant coûté beaucoup d’argent, à quel point l’énergie nucléaire était propre. Je n’y ai pas cru, et j’ai bien fait.
Aujourd’hui, c’est l’éolien qui est paré de toutes les vertus: rentable, efficace, bon marché, sans nuisance, facile à éliminer – «dans 20 années, il suffit de les enlever», m’a dit un excellent responsable politique local.
A tout ça, je ne crois pas, et je pense que je fais bien.
Et à ce propos, il me vient une petite réflexion. Comment peut-on, comme il est couramment usage de le faire depuis quelques années, faire des projections sur des dizaines d’années (cf par exemple la «Stratégie énergétique 2050» du Conseil fédéral)? Ce que sera le monde dans cinq ans, dans dix ans, ON NE LE SAIT PAS.
Au delà de tout cela, le véritable enjeu qui se pose à nous est donc à l’évidence d’un tout autre ordre. Il est urgent et capital de situer le débat dans sa juste dimension qui dépasse largement la petite Vallée de Joux.
Nous nous situons à une phase absolument cruciale de notre parcours d’humains sur Terre. Tous le disent, et toutes les personnes en charge de hautes responsabilités clament que leur priorité, c’est le bonheur de leurs enfants, donc la qualité de la vie sur Terre. Et que voyons-nous dans les faits? Une délirante fuite en avant, cause de toutes sortes de désordres et de brutalités un peu partout dans le monde, et même jusque chez nous, dans nos «pays riches», ce dont nos responsables ne manquent pas de se scandaliser.
Le projet éolien n’est qu’un des multiples exemples de cette grande fuite en avant. Au lieu de prôner une réflexion allant dans le sens d’un mode de vie différent et dans tous les cas plus modéré, les gens de pouvoir dans leur ensemble jouent le spectre de la pénurie, des menaces en tous genres, du dénuement, du «retour à la bougie», quand ce n’est pas le «retour aux cavernes». Il est indéniable qu’un jour beaucoup plus proche que ce que nous imaginons, il faudra changer, du tout au tout. Si nous ne le faisons pas par nous-mêmes, c’est la Nature qui le fera pour nous.
Friedrich Dürrenmatt, homme que toute sa vie la question de la justice a hanté, a conclu l’un de ses tous derniers entretiens à la télévision par ces mots: «Wir leben falsch, wir leben falsch». Que l’on peut traduire en français par: «Comme nous vivons, c’est faux.» Raccourci saisissant résonnant comme un avertissement pour nous tous.
FAVJ Feuille d’Avis de la Vallée de Joux, 8 septembre 2016
De mémoire, le Grand Karl Marx a dit : « L’idéologie dominante de toute société consiste en l’idéologie de sa classe dominante ». Cette maxime vaut très largement, y compris pour la cohorte de tous ceux qui, indignés et apeurés, nous chantent qu’un changement « du tout au tout » s’impose. Fondés à s’inquiéter, ceux-ci semblent s’attendre à ce que l’ONU (la caverne des brigands), le FMI, l’Administration US, l’UE et le Comité central du PC chinois, accouchent soudainement d’une génération spontanée, miraculeusement touchée par la grâce, pour décréter la fin du pillage et du parasitisme, l’expropriation des banquiers, des financiers et des oligarques, la répartition des richesses, la paix des armes (la fin de leur commerce) et une gestion raisonnée des ressources naturelles.
En attendant l’avènement de cet incomparable miracle, ils pérorent et observent « médusés » ce qu’ils appellent, dans un grand tout indistinct, l’humanité. Ils tremblent et disent ne pas savoir quoi faire. Ils guettent la venue du Messie (l’homme providentiel, le « Bernie Sanders » omniscient sorti des urnes), craignent la confrontation et versent une larme émue à l’évocation des « utopies » sociales, collectivistes, démocratiques et révolutionnaires. Ils méprisent la plèbe, parlent de rénover le vocabulaire, prétendent caducs les notions de prolétariat, de classe ouvrière, de révolution et de lutte des classes. Dans leurs coins respectifs, pathétiques, ils sont nombreux à « savoir ». Ils critiquent et comprennent, chacun selon sa propre singularité, que l’humanité court à la catastrophe, mais le cri lancé par Rosa : « socialisme ou barbarie » ne leur parvient déjà plus, le brouhaha de l’idéologie dominante en couvre l’écho (il faut bien dire que le chancre du stalinisme est passé par-là et que les prévaricateurs du libre-marché en ont avantageusement tiré parti pour étoffer leur vade-mecum doctrinal).
Mais comme, hormis le désastre, rien ne vient, ils sombrent dans la pensée magique (métaphysique) et le « bon sens populaire ». Ils se désespèrent et ressassent : « l’homme est un loup pour l’homme ». Ils s’inventent des chimères, invoquent « l’intérêt général », se prosternent devant son évanescente inconsistance et se bercent d’illusions. Revenus de tout, ils ont, à tort, appris à mépriser l’action politique, notamment de ceux qui, contre vents et marées, faisant pièce de toutes les baudruches dilatoires (éco-socialisme, altermondialisme, etc.) comptent encore sur la capacité d’organisation des exploités et opprimés d’un régime aux abois pour ouvrir une perspective et mettre un coup d’arrêt à la barbarie impérialiste (qui, au passage, fait peu de cas des soins qu’il conviendrait d’apporter à « mère nature », il va sans dire).
Hauts les coeurs, Bernard Walter, les temps historiques de la V° République française, du bipartisme US, de l’Union européenne et de la dictature mondiale des marchés financiers sont comptés : « Les lois de l’histoire sont plus fortes que les appareils »!
Micky, je ne sais pas toujours où tu veux en venir, mais une intuition persistante me dit que sur bien des points nous nous accordons, toi et moi. Je trouve ton envolée très brillante, elle m’a fait rire du joyeux rire de l’âme. Je me sens honoré d’être capable de susciter un tel lyrisme révolutionnaire, et je suis bien content de voir que ta passion traverse les âges, toujours aussi intense.
En l’occurrence, mon propos était surtout de suggérer à la population locale de rejeter par son vote du 25 septembre la construction d’éoliennes qui ne vont rien apporter au monde si ce n’est laideur, vacarme et déplaisir.
Les habitants et habitantes du Val de Travers seront aussi appelés à se prononcer le 25 septembre sur les éoliennes. Je leur souhaite de voter Non à ces machines inutiles!
Donc récapitulons : le nucléaire c´est dangereux, le charbon ça pollue, les éoliennes c´est pas bien et les panneaux solaires sans doute non plus… On fait comment les gars ???
Ah j´oubliais. Il reste l´hydroélectricité…. Mais il faut construire des barrages et ça inonde les jolies vallées et les jolis villages… Que le monde est compliqué !!
On commence par consommer moins! Le gaspillage d’énergie est affolant. L’Etat doit donner l’exemple, ce qu’il est loin de faire. Combien de bureaux restent éclairés en été en plein jour.
Mais personne ne se bat contre de l’énergie. Nous nous battons contre des dogmes. Contre des mensonges. Contre des abus de pouvoir. Contre des atteintes à la démocratie. Contre des requins. Pour une qualité de vie. Pour le respect d’une région que nous aimons. Les éoliennes industrielles ne sont pas l avenir elles sont la continuité du profit, des intérêts particuliers, de l’escroquerie, de l’exploitation. Osons dire non et exiger ce que l on nous promet: de l énergie propre, mais à tous les étages.
Et c´est quoi de l´énergie propre ?
C’est le contraire de l’énergie sale
Oui mais concrètement ??
Et bien cela dépend surtout des intérêts des uns et des autres. Le terme propre est un argument de vente comme un autre. Mais pour le faire avaler on y ajoute quelques couleuvres. Pour moi l’énergie moins sale est celle que l’on nous vend sans raconter de mensonges. Sans exploiter des hommes comme des esclaves pour la produire, sans obtenir des contrats où l’on interdit au signataire de se plaindre en cas de nuisances constatées après la construction du site, où les citoyens ne sont pas dépossédés de leurs terres à des fins politiques sous couvert de production d’énergie « propre ». Mais des exemples il y a en a suffisamment pour que vous sachiez de quoi je parle. Je vous conseille le livre « les illusions renouvelables » de José Ardillo pour approfondir la question. Maintenant il ne faut pas rêver, on ne changera pas le monde. Tout ce qui rapportera continuera d’être exploité. Mais on peut dire non, faire confiance à ce qui nous rend heureux, notre lieu de vie. L’homme a toujours défendu son lieu de vie, ne pas tomber dans les pièges du sacrifice pour l’intérêt général, alors que seuls quelques uns se rempliront les poches et que le monde continuera de déconner. Il est plus courageux de miser sur la nature que de miser sur ces marchands qui exploitent nos rêves d’idéal. Avez-vous lu l’interview de M. Pfisterer (ex membre de la direction BKW etc) dans le journal le Temps la semaine dernière? Voici un extrait « (…) Ici à Mont-Crosin, nous avons pu travailler dans le calme et le dialogue. Je rends visite aux propriétaires (ndlr:des terres louées pour les éoliennes) – ils sont une vingtaine – pour les écouter, leur offrir une oreille attentive, les prendre au sérieux, parfois leur proposer une solution à leurs soucis du quotidien. On m’a traité d’idiot parce que je gaspillais mon temps à aller voir ces « indiens ». Il y a bien deux approches différentes. » Ceux qui ont traité ce Monsieur d’idiot, ce sont ses collègues promoteurs. Pour moi ces gens ne peuvent prétendre faire de l’énergie propre. Ils pillent ce qu’il y a à piller et ils iront piller ailleurs quand ils auront touché le pactole. Quant à l’attitude de Monsieur Pfisterer elle est en tout point comparable aux colonisateurs « gentils » qui se prenaient pour des sauveurs.
Vous écrivez : « Il est plus courageux de miser sur la nature que sur ces marchands qui exploitent nos rêves d’idéal ». Certes, mais quelle source d´énergie correspond à cette jolie phrase ? Car dans tous les cas, il faudra bien construire, aménager, développer et… financer.
Et alors? Cela vous paraît-il inconcevable de faire les choses proprement? Vous avez déjà baissé les bras? Vous acceptez les magouilles, le pillage, au nom de « il faudra bien construire » Vous acceptez l’esclavage au nom de il faudra bien aménager? Vous acceptez que d’autres meurent ou souffrent pour alimenter votre consommation? C’est peut-être un luxe puéril de dire non, mais c’est aussi la moindre des choses lorsque l’on prétend aimer la nature, la planète et les hommes! Je vis dans un pays qui me laisse ce droit, le jour où je n’en mesure plus le prix ils me l’enlèveront. La SE2050 commence déjà de le réduire.
J´arrête car on tourne en rond…
Le problème est particulièrement le manque de concertation entre régions et pays. Ste-Croix place un tas d’éoliennes sur sa crête sans se demander si la France voisine a les mêmes besoins et surtout une offre de substitution que les Suisses pourraient utiliser également. La France mise sur le nucléaire, l’Allemagne sur le charbon, le Danemark sur les hélices. C’est du grand n’importe quoi européen. Les gouvernements naviguent à vue et ont une énorme responsabilité dans ce micmac. Probablement parce qu’ils mangent dans la main des industriels. Pourtant même ces derniers ne sont pas si bornés. Le PDG du groupe fribourgeois E me disait que 30% de la consommation d’électricité était superflue.
J’aime bien votre flamme et votre indignation, Pascale, et je partage grandement vos convictions. Ce n’est pas parce que nous n’avons plus vraiment de réponses que nous devons abandonner ce que nous croyons juste. Se mettre un bandeau sur les yeux, se cacher l’évidence, à savoir que nous ne nous en sortirons pas sans un changement de regard sur les choses, sans un changement de mentalité et de façon de vivre, ce n’est que poursuivre cette folle course en avant qui ne peut mener à quoi que ce soit de bien.