Donald Président: wait and see…


Ainsi nous y sommes…

PAR ALBERT EBASQUE

Contrariant la plupart des sondages, l’homme au casque d’or a remporté cette élection américaine non pas «haut la main», car Hillary Clinton a recueilli davantage de voix, mais grâce au nombre des représentants de certains Etats considérés comme incertains d’une campagne à l’autre. Il y a donc un fort clivage au sein de ce vaste pays où les écarts de richesse sont de plus en plus importants et où, manifestement, le dialogue est rompu entre les masses dites laborieuses et ce qu’il est convenu d’appeler les élites urbaines des côtes Est et Ouest.

Et il est vraiment dommage que cette élection américaine intervienne aussi près par rapport à l’élection française. Pourquoi ? Parce que nous n’aurons sans doute pas le temps de nous rendre compte de l’écart abyssal qu’il y aura entre les promesses de campagne et la réalité des actions du nouveau président. De sorte que celles et ceux qui, en France et ailleurs en Europe, se réjouissent de cette victoire de Donald pourraient malheureusement profiter de cette vague populiste. Nous verrons où en seront les promesses du candidat dans un ou deux ans, mais il y a fort à parier que le nouveau président américain devra mettre beaucoup d’eau dans son vin.

En effet, la dure réalité géopolitique d’un monde multipolaire semble être totalement étrangère au promoteur immobilier et au businessman. Car la caractéristique du leader populiste est de simplifier les choses pour les rendre compréhensibles au plus grand nombre. Mais les problèmes du monde sont d’une grande complexité et surtout nous vivons dans un univers parfaitement interconnecté: si je mets la pression sur un pays donné, il y aura des conséquences sur d’autres pays et, finalement, sur le mien. Mais le candidat en campagne ne s’embarrasse pas de ce genre de détails. Ce qu’il veut, c’est frapper les esprits et livrer des slogans simples et lapidaires.

Prenons un ou deux exemples parmi d’autres. Quand le candidat parle de mesures protectionnistes vis-à-vis de la Chine, il ne peut ignorer qu’un tiers de la dette colossale des Etats-Unis est détenue par des investisseurs de l’Empire du Milieu. Dans ces conditions, pense-t-il sincèrement avoir les mains libres pour imposer ses choix? Et cela sans parler des milliers d’entreprises américaines sous-traitant ou fabriquant en Chine et qui importent leurs produits aux Etats-Unis… Et que dire de ce projet fou de bâtir un mur infranchissable sur la frontière avec le Mexique? Ou bien de cette fermeture du pays aux musulmans…

Autant de promesses incongrues du candidat que le président ne pourra – heureusement – pas tenir, sauf à isoler son pays sur la scène internationale avec de très graves conséquences au niveau de la société civile américaine. Cette dernière souffre des mêmes maux que la plupart des pays occidentaux avec une partie de la classe populaire marginalisée et ayant le sentiment que rien n’est fait pour elle. Mais l’Etat-providence étant considéré outre Atlantique comme un concept de gauche et «socialiste», il y a peu de chances que les choses s’améliorent pour ces laissés pour compte. L’Amérique est un pays de pionniers et de «winners» où tout est théoriquement possible… et ceux qui ne réussissent pas à s’en sortir sont donc des «losers» devant se débrouiller tout seul. Ultime paradoxe: le talent de Donald aura été de se faire élire par des gens qui ne lui ressemblent absolument pas, à savoir cette catégorie de petits blancs (entre autres) en marge de la société ou bien totalement déclassés. Bravo l’artiste!

Finalement, il sera intéressant d’observer ce qui va se passer aux Etats-Unis au cours des quatre prochaines années. Repli sur soi? Isolationnisme? Nouveau contrat social? Reniement des promesses de campagne? Nul doute que le président et son équipe auront du pain sur la planche pour ne pas trahir les espoirs que les électeurs ont mis dans les urnes. La montagne accouchera donc sans doute d’une souris. Et comme par hasard l’un des meilleurs amis de Donald s’appelle Mickey. Surprenant, non?

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3 commmentaires à “Donald Président: wait and see…”

  1. Pierre-Henri Heizmann 14 novembre 2016 at 15:30 #

    Le paradoxe de votre article, c’est que c’est justement parce qu’elle tenait des propos tels que les vôtres, que les électeur-trice-s n’ont pas voulu d’une Hillary Clinton.
    Et ceux qui aujourd’hui encore poursuivent leurs manifestations dans quelques rues américaines, au prétexte que Trump serait le pourfendeur de la démocratie, démontrent bruyamment leurs peu de respect de cette dernière. Les mêmes qui ont toujours vomis sur Wall Street et sa politique, regrettent-ils donc l’élection de Mme Clinton, qui était pourtant la plus fidèle alliée de cet establishment?
    Quand vous opposez dixit ” … les masses dites laborieuses et ce qu’il est convenu d’appeler les élites urbaines des côtes Est et Ouest” n’avez-vous pas tout dit ?
    De même au prétexte qu’un tiers de la dette américaine soit aux mains des Chinois et que des milliers d’entreprises américaines sous-traitent ou fabriquent en Chine, est-il raisonnable de faire comme si de rien n’était et continuer comme avant ?
    Faut-il croire que le chômage est bas avec 8 millions d’inscrits (5,1%), sachant que près de 10 millions d’américains se sont exclus du marché du travail et ne figurent dans aucune statistique*?
    Osez prétendre dixit « … le talent de Donald aura été de se faire élire par des gens qui ne lui ressemblent absolument pas… » comme si ceux qui ont votés Clinton lui ressemblait ?
    Votre condescendance transpire exactement ce que les personnes qui ont plébiscités Trump ne veulent plus entendre. Vous osez même à leur encontre le vocable de « …petits blancs… », ce qui révèle une forme abjecte de dénigrement, quel courage de nantis ; mais vous le savez, personne ne vous traitera de raciste!
    Continuez à taxer de populiste tous ceux et toutes celles qui ne pensent pas comme les élites dont vous avez le privilège de faire partie, et alors en effet, même si dixit « La montagne accouchera donc sans doute d’une souris. », les masses laborieuses vous démontreront une fois encore, au printemps prochain, qu’elles en ont ras le bol !

    *http://www.economiematin.fr/news-etats-unis-taux-chomage-travail

  2. Ebasque 14 novembre 2016 at 17:18 #

    OK. Rendez-vous dans quatre ans et vous regretterez ceux que certains appellent les élites…dont je ne fais pas partie.

  3. Bernard Walter 16 novembre 2016 at 12:49 #

    Il n’y a rien de bon à attendre des souris dont les montagnes américaines accouchent. Il faut être un peu aveugle pour ne pas voir á quel point les années à venir vont être cruciales, et á quel point le tournant que nous vivons actuellement est une image criante d’une société – notre société occidentale – en processus de profonde dégradation.

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