Pour Fillon le problème est tailleur


La campagne française pour les présidentielles 2017 est fertile en rebondissements en tous genres et les journalistes ne savent plus où donner de la tête.

PAR ALBERT EBASQUE

François Fillon, notamment mais il n’est pas le seul, est au cœur d´une polémique avec des emplois d’attachés parlementaires supposés fictifs, un éventuel travail de complaisance pour son épouse et, tout dernièrement, des costumes de marque qui auraient été offerts par un généreux donateur. Sa récente mise en examen lui permettra, ainsi qu´à ses avocats, d’avoir accès aux dossiers et devrait donc leur permettre de mieux préparer sa défense.

Ainsi, celui qui fin 2016 à l’issue de primaires remportées haut la main avait un boulevard devant lui se trouve-t-il à quarante jours du premier tour dans une situation pour le moins inconfortable. Son image de probité et d’honnêteté en prend un sérieux coup, et cela même si doit prévaloir la présomption d’innocence. La plupart des sondages le placent maintenant en troisième position, à quelques points du jeune et brillant Macron que personne ne connaissait il y a seulement trois ans. Tandis que Marine-la-fifille-à-son-papa caracole tranquillement en tête de ces mêmes sondages, et ce en dépit des multiples casseroles qu´elle traîne dans son sillage.

D’une façon générale, et il en est ainsi dans la plupart des pays, les périodes électorales sont propices aux promesses les plus folles et les plus irréalistes. La campagne française ne déroge pas à la règle malgré une dette de plus de deux mille milliards d’euros représentant environ 90% du Produit Intérieur Brut. Une certaine logique économique – pour ne pas dire un certain bon sens paysan – consisterait à dire qu’il faut diminuer la dépense publique et ne pas vivre au-dessus de ses moyens. Qu’il faudrait agir sur des leviers permettant de favoriser la croissance et l’emploi. Ou bien même d’adopter une politique fiscale encore plus redistributive qu’elle n’est actuellement. Mais peu de candidats semblent se préoccuper des grands agrégats macro-économiques. La dette? Nous négocierons avec le grand capital pour un abandon partiel. Le poids du secteur public? Ne touchons pas au nombre de fonctionnaires car ils sont les valeureux fantassins de la République. Les régimes de retraite? Tout va bien Madame la Marquise: conservons les régimes spéciaux et laissons filer les déficits, notamment celui du régime général.

Seuls deux candidats semblent se préoccuper de la situation économique du pays et font preuve de retenue dans leurs engagement de campagne: Macron dont on ne sait pas très bien d’où il vient et Fillon dont on ne sait plus très bien où il va. Ils sont, avec Benoît Hamon, il faut le noter, favorables au maintien de la France au sein de l’Union Européenne ce qui, là encore, les distingue de ceux qui veulent larguer les amarres sous prétexte de redonner au pays sa grandeur d’antan. Macron est jeune, propre comme un sou neuf, il communique bien et a eu le talent de s’affranchir du bilan de Hollande. François Fillon, en revanche, apparaît comme faisant partie du paysage politique depuis des années, est assez peu charismatique et – reconnaissons-le – ne respire pas la joie de vivre. Bref, il est en décalage d’image avec son principal rival, le fringant et pimpant Emmanuel. Et l´image comptant de nos jours au moins autant que le fond, voici pourquoi il est fort possible que pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, la droite dite «classique» ne soit pas présente au second tour de l’élection présidentielle.

Il est difficile en France d’aborder les problèmes de fond sans dogmatisme et sans parti pris. Qui peut nier que la situation économique est désastreuse et qu’elle justifie des efforts partagés par toutes les classes de la société afin que les futures générations ne se trouvent pas dans un pays encore plus appauvri? On peut bien évidemment ne pas partager le diagnostic et les remèdes prônés par un Macron ou par un Fillon. Mais promettre monts et merveilles dans une période de crise sans totalement financer les mesures et sans résorber les déficits relève de la supercherie. Quant au candidat de la droite dite «classique», sans doute ne fait-il pas suffisamment rêver pour les cinq prochaines années. Il est austère, comme son programme, et l’austérité ne fait évidemment pas recette. Il semblerait qu’il ait reçu des costumes de prix offerts par un généreux ami. Mais la probabilité est grande qu’il se prenne une belle veste dès le premier tour de cette élection pas comme les autres. Surprenant, non?

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3 commmentaires à “Pour Fillon le problème est tailleur”

  1. Michelle 18 mars 2017 at 23:05 #

    Cette campagne est affligeante. Qui que ce soit, qui arrive à la présidence, je ne vois pas d’éclaircie.
    L’enjeu principal, pour les français, étant de voter pour ou contre Marine.
    Macron on ne sait d’où il vient, mais il paraît tout aussi exalté que celle qu’il est censé combattre…..Avec lui, on peut s’attendre à la ploutocratie. L’homme au service de l’économie et non le contraire malheureusement. Lisons ou relisons Hanna Arendt ou Orwell.

  2. Manuel Ruch 19 mars 2017 at 13:18 #

    Il y a des réalités déplaisantes qu’on a tendance à oublier alors qu’on les a sous le nez. Une petite bousculade et elle ressortent en pleine lumière !
    Je veux parler des partis politiques bien sûr et surtout de leur relation avec les élus du peuple.
    On pouvait naïvement croire qu’élus par les citoyens, ils se regroupaient par affinité de convictions dans des rassemblement appelés partis. Mais qu’entend-on ces jours-ci de plus en plus forts et fréquemment: exclusion, retrait de parrainage pour les législatives… Parrainage donc parrains me fait penser à certaines société italiennes d’origine. Non seulement les partis “rackettent’ les élus du peuple mais s’arrogent le droit de leur dire ce qui est bien ou mal, de leur donner des instructions et de les éliminer (encore au sens figuré, heureusement).
    Inversion de l’ordre républicain y compris par ceux qui se sont opposés à la loi El Khomry sous ce même prétexte ! Et on veut nous faire gober cela. Un peu de cohérence et de pudeur que diantre !
    En Suisse on peut voter à choix, une liste de parti ou non et même” panacher” ( rayer ou ajouter des noms d’une liste sur l’autre). Pas en France. Cette dérive autocratique du rôle des partis qui veulent contrôler les pouvoirs en imposants leurs dogmes aux élus libres du peuple est insupportable et contribue beaucoup au désamour des français et de la politique politicienne des partis.
    Assistons-nous à une reprise du pouvoir par le peuple? Espérons-le. E. Macron qui veut outrepasser ce régime obsolète et sterile en est peut-être le premier signe. À suivre.

  3. Manuel Ruch 27 mars 2017 at 19:13 #

    On dirait que la plupart des journalistes français ont trop vu Titanic: ils sont en train de couler avec le bateau électoral sur lequel ils ont embarqué au son des violonistes résignés.
    Et loin de chercher un canot, ils suivent les premières classes espérant d’eux, un hypothétique salut, méprisant les ponts inférieurs indignes de leur sollicitude para-presidentielle et ensmokinguée.
    Métaphore absurde? Que nenni. Observez: ils continuent à se vautrer dans les miasmes des affaires et s’en repaissent à qui mieux mieux pensant que c’est le panem des circenses, or depuis quelque temps, il est clair dans les réseaux sociaux et les micro trottoirs que ce sujet est non seulement éculé mais est devenu repoussoir. Mais ils persistent avec délectation au premier rang des tribunes se demandant qui de la droite ou de la gauche verra le pouce fatal s’abaisser puisque le p’tit jeune gladiateur sera vite pris dans les rets des vieux combattants expérimentés.
    Cette condescendance est bien plus grave qu’il n’y paraît parce qu’elle met en cause le rôle même du journaliste avisé avec en arrière plan son rôle d’éclaireur de nouveaux paradigmes et donc de contributeur à la démocratie selon leur rôle attribué et revendiqué de quatrième pouvoir.
    Incapables de changer de logiciel, ils ne voient pas que les référentiels, eux, changent. Les primaires ont écarté les éléphants mais pas seulement. Les pseudo-succès de celles-ci ont masqué une autre réalité: le profond rejet des dogmes au travers des partis. Les électeurs veulent vivre une autre lecture socio-économique de la société qui n’est plus celle de la simple dichotomie PS – LR ou autres noms assimilés. Comment comprendre la société et les attentes donc les votes, si on se cantonne au jeu gauche – droite alors qu’à l’évidence cette loupe est moribonde. Les partis traditionnels sont en voie de disparition comme les syndicats. Plus ils diminuent plus ils haussent le temps et baissent les coups. Leurs échecs depuis des décennies les a totalement discrédités et les électeurs veulent d’autres propositions.
    Alors non! Le peuple n’a pas tort, qui veut qu’on s’occupe de lui autrement que par des phrases prévisibles ou des costumes adverses. Le Pen et Macron répondent à cette attente ainsi que l’émergence des primaires citoyennes,même si elles ont déçu les espoirs mis en elles. Non réduire le FN au fascisme et Macron à un épiphénomène Hollandais n’est pas digne de journalistes avertis. Pire, comme ces messages sont de plus en plus mal reçus par les lecteurs et auditeurs, c’est la presse qui est rejetée comme le bébé de l’eau du bain. Et la démocratie risque d’en faire les frais faute d’analyse critique pertinente.
    Les matrices d’analyse aujourd’hui sont bien plus dans le nationalisme ou l’ouverture, dans le conservatisme versus l’innovation, dans la participation et l’écoute à l’encontre des instructions parachutées et des dogmes, dans le pragmatisme réel face aux théories obsolètes.
    Il est temps que les journalistes concernés retrouvent leur âme et leur métier. Quitte la primauté des faits divers pour retourner à leurs claviers et tournent sept fois leur souris dans leur mains avant de sombrer avec les partis aussi insubmersibles que le Titanic.

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