Vous vous souvenez de ce slogan de campagne de Bill Clinton, qui lui a probablement permis de l’emporter, en 1992, sur Georg W. Bush: « It’s the economy, stupid!»
PAR MARC SCHINDLER
On a envie de le rappeler en suivant la navrante campagne de la présidentielle française, un festival de promesses démagogiques et de coups médiatiques. Quand Emmanuel Macron finit par s’intéresser au sort des salariés de Whirlpool, qui va délocaliser sa production en Pologne, Marine Le Pen saute sur l’occasion pour aller faire des selfies devant les grilles de l’usine. Le premier promet d’aider à trouver un repreneur, la seconde jure que l’usine ne fermera pas, si elle est élue présidente. Plus démago, tu meurs! Les salariés ont trop entendu de ces promesses de campagne pour y croire encore.
Une semaine avant l’élection, la candidate du Front national refait la Une: elle promettait dans son programme que, présidente, une de ses premières décisions serait de sortir de l’euro, «la monnaie des banquiers, pas du peuple, qui a vécu la baisse de son pouvoir d’achat et le chômage de masse». C’était l’engagement N° 35, la mesure-phare: remettre en place «un protectionnisme intelligent et le rétablissement d’une monnaie nationale face à la concurrence internationale déloyale». Eh bien, on n’avait rien compris. Marine Le Pen jure qu’elle n’a jamais dit que le France sortirait de l’euro. Elle veut seulement le transformer en «une monnaie commune, qui ne concernera pas les achats quotidiens, mais uniquement les grandes entreprises qui font du commerce international». Vous avez compris? Ca veut dire que quand je ferai le plein à une pompe Total, je paierai en franc ou en ECU, mais quand Total achètera du pétrole à l’Arabie saoudite, elle le paiera en euros? Bonjour, le mal de tête!
Pourquoi ce magistral rétropédalage ? Parce que trois Français sur quatre, selon les sondages, ne veulent pas que la France sorte de l’euro. Et aussi parce cela lui a permis de se rapprocher du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, à qui Marine Le Pen a promis le poste de premier ministre si elle est élue présidente. Les promesses du matin n’arrêtent pas le pèlerin. Des bataillons d’économistes et de patrons ont beau dénoncer les conséquences d’une sortie de l’euro pour la France – dévaluation de 15%, inflation qui mange les revenus et les rentes, explosion de la dette – Marine Le Pen déclare que «l’euro est mort …mais pas tout de suite».
Tous les sondages le révèlent, la crise économique et le chômage sont les premiers soucis des Français. Alors, les deux candidats rivalisent de promesses démagogiques pour s’assurer leur vote. Emmanuel Macron promet de soutenir les classes moyennes, en réduisant la taxe d’habitation, en exonérant la cotisation pour les heures supplémentaires. Il veut séduire les patrons en baissant à 25% l’impôt sur les sociétés. Il entend aussi économiser 60 milliards en cinq ans sur les dépenses publiques en supprimant 120 000 postes de fonctionnaires. L’ennui, c’est que ces promesses vont faire perdre une vingtaine de milliards à la France, selon l’Observatoire français des conjonctures économiques. Marine Le Pen, elle, veut conquérir les classes populaire et les électeurs de droite. Elle promet de réduire massivement les impôts, de défiscaliser les heures supplémentaires, de taxer les salariés étrangers au nom de la «priorité nationale à l’emploi» et de frapper d’une taxe de 3% les produits importés. Ces belles promesses vont encore creuser les déficits.
Devant cette avalanche de promesses et de chiffres contradictoires, les électeurs ont de la peine à s’y retrouver. Mais qui lit les programmes des candidats, qui prend encore le temps de s’informer, qui croit encore ces promesses de campagnes qui seront oubliées demain, quand les dures réalités économiques se rappelleront au bon souvenir du nouveau président ou de la nouvelle présidente? Les Français sont saturés de débats politiques et de déclarations fracassantes, après une campagne violente. Les coups médiatiques et les attaques personnelles font le miel des médias. Les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux ont transformé le débat politique en feuilleton à suspense. A chaque jour, à chaque heure, sa «breaking news». Pas étonnant que des millions de Français attendent que le face-à-face du 3 mai entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen les décide à choisir leur président. Ou à aller à la pêche, le 7 mai. Les électeurs ne sont pas idiots, simplement, ils ne croient plus les belles promesses d’un avenir radieux.