Lettre à un ami – De la liberté de la femme à décider. Pour elle-même. Ce qu’aucun homme au monde n’a le droit de faire pour elle!


Or donc, comme il se doit dans mon quotidien, enfin, dans une partie de celui-ci, je traîne mon regard sur ce monde.

PAR PIERRE ROTTET

Histoire de voir ce qui s’y passe. D’observer l’actualité, qui m’interloque, m’interpelle et m’indigne très souvent. En constatant l’incommensurable bêtise des hommes, lorsqu’ils s’y mettent, malheureusement trop souvent, en repoussant toujours un peu plus les frontières de l’imbécilité, de l’inacceptable. De l’absurde.

Comme moi peut-être, tu as pris connaissance de la condamnation d’une adolescente à 30 ans de prison au Salvador, en Amérique centrale. Pour avoir accouché d’un enfant mort, la gamine, 18 ans tout au plus, a été reconnue coupable « d’homicide », par un quarteron de juges, bras armés du glaive d’un semblant de justice, des bonnes consciences surtout, que la religion leur a données en forgeant leurs convictions. Leurs certitudes! Leurs inébranlables intransigeances. Que même le Bon Dieu, d’exister, se garderait d’avoir. Je crois.

La jeune fille était tombée enceinte après un viol. Huit mois après sa grossesse, elle perdait son bébé, accouchant seule, à l’abri des regards, des autres, de la société, dans un modeste logement, pour ne pas dire un taudis, dans un petit village, dans lequel elle vivait. Vivotait! Pour cacher sa honte, se la cacher à ses yeux, pourtant de victime, la cacher à ses parents, à sa famille. A la société!

La honte! Celle d’avoir été violée d’abord. Celle des conséquences de cette agression, sous la forme d’un bébé. Et si t’ajoutes à cela le fait que ce viol n’a pas été dénoncé à la police. Par peur toujours. Cette peur omniprésente dans une société si prompte à jeter l’opprobre, dans une société de macho qui plus est, fière de l’être et qui le démontre par ses lois iniques. Et leurs brutales applications. Sans compter que le violeur, même connu, court toujours, lui. Continue à courir vers d’autres saloperies. Libre!

30 ans de prison, dans une geôle du Salvador, dans un pays où l’avortement est, tu l’as compris, interdit. Et c’est peu dire. Le couperet des hommes en noir, bardés de leurs insignes de justicier, fiers d’exhiber aux yeux de la société « les pouvoirs » qu’ils s’arrogent. Et que leur dictent une pseudo-morale à deux vitesses, au nom de la pseudo-morale d’une société censée être bien pensante. A défaut d’être bien agissante.

Un couperet, disais-je, tombé sur la vie d’une jeune fille. Une sentence dictée par des hommes, à moins que ce ne fût par d’indignes représentants de religions d’une autre époque, qui exercent encore et toujours leurs influences néfastes et destructrices dans celle qui est la nôtre, aujourd’hui. Avec la même intolérance d’autrefois, la même ignorance, le même obscurantisme.

Trente ans de prison…, alors que le bébé, aux dires d’un collectif qui a pris la défense de la jeune fille, était mort-né. Ce qu’a du reste confirmé une autopsie… Mais de cela les juges s’en sont tapés. Pour mieux frapper. Juger. Condamner. Tuer une vie. Flatter les apparences… En les sauvant. Par la négation de ce qui devrait être le leitmotiv des religions: l’amour. Un mot. Oublier!

Pour ton info 17 femmes sont actuellement incarcérées au Salvador pour avortements. Avec de lourdes peines de prison, pour « homicides avec circonstances aggravantes ». Depuis octobre dernier, le Parlement salvadorien étudie un projet pour dépénaliser l’avortement. Un débat pour l’heure gelé. La faute à la farouche opposition des partis de droite. De l’extrême-droite. Avec l’appui et la bénédiction, la volonté dirais-je, de religions, d’ayatollahs de pourpre vêtus, de prédicateurs exaltés, que pratiquent aveuglement des hommes avec leur morale à deux balles. Qu’ils ressortent lorsque cela leur convient. A l’instar d’hommes d’Eglise, de temples, de mosquée, de synagogues, entre autres maisons de religions dans le monde.

J’ai bien souvent entendu, lu et suivi du regard ce que les doigts de notre société occidentale, nos médias, montrent et désignent sans ménagement, s’agissant des intransigeances et des discriminations, pour ne pas dire pire encore, de fondamentalistes d’autres religions dans le monde. Jetés souvent avec raison à la vindicte pour leurs intégrismes, leurs apartheids des genres. Des doigts levés, mais cependant bien trop occupés, à dénoncer, avec raison là aussi tu me diras, ce qui ailleurs fait figure de saloperies, pour avoir le temps de les diriger également sur les exactions qui nous entourent. Pourtant motivées par les mêmes discriminations, les mêmes ignominies…

Tu veux que je te dise? On ne devrait jamais accepter que les religions entravent le discernement des hommes dans l’élaboration de leurs lois. Ni que les religions, dans n’importe quels ailleurs du monde, puissent endiguer la liberté des hommes dans leurs volontés de décider. On ne devrait jamais accepter, je le pense, que ces mêmes religions n’interfèrent sous prétexte de détenir, en usurpateurs, une volonté « divine », venue de « Dieu » sait où…

Bref, pour en revenir à un problème récurrent en Amérique du Sud – mais pas seulement, hein – , du Mexique – où les décisions de justice à l’égard de ce genre de problème sont tout autant sinon plus révoltantes encore -, au Chili, en passant par le Pérou, par exemple. Et cela dans la plupart des pays d’Amérique latine, hormis quelques exceptions: l’Uruguay, Cuba, Porto Rico et le Guyana, qui disposent de lois autorisant les femmes à avorter librement. Les autres, tous les autres ayant des lois plus ou moins restrictives. Le plus généralement terriblement restrictives… Répressives!

Le Chili est lui aussi un de ces cas extrêmes. Répressif! Aggravé, à mes yeux, dans la mesure où la loi relative à l’avortement fut adoptée durant la dictature d’Augusto Pinochet. Pas étonnant, dans un pays où les vieux démons, là également, ne sont pas morts. L’avortement, stipule cette loi, sous quelque circonstance que ce soit, constitue un « crime contre l’ordre des familles et la morale publique ».

Le Pérou, que je connais bien pour y vivre la moitié de l’année, pays le plus conservateur d’Amérique latine, dit en passant, se distingue également. Malgré une campagne, bien modeste pourtant s’agissant des objectifs pour réviser une loi poussiéreuse, qui avait recueilli en septembre 2014 plus de 64’000 signatures, pour dépénaliser l’IVG en cas de viol, le Parlement a balayé en 2015 toute idée de dépénalisation. Les chiffres sur les violences sexuelles sont pourtant éloquents: une jeune femme sur cinq est victime de viol dans ce pays. Pas étonnant que l’avortement soit une réalité au quotidien au Pérou.
Selon Médecins du monde, sur 1 million de grossesses chaque année au Pérou, 37 à 40 % sont interrompues par des avortements. Des interruptions pratiquées dans de mauvaises conditions, entraînant des complications. La mort souvent! La même source fait en effet état que ces interruptions de grossesses constituent l’une des causes principales de mortalité et de morbidité maternelle, notamment parmi les femmes les plus défavorisées qui ont un accès limité aux services de santé. Dans 80% des cas, des mineures sont les victimes. De viols. D’incestes!

Le Chili et le Pérou, en particulier, sont les pays où l’Opus Dei et ses mouvements charismatiques satellitaires exercent leurs pleins pouvoirs, aussi bien dans la sphère politique qu’économique. Ceci expliquant cela? Les tenants de l’Opus, particulièrement puissants, mènent dans ces deux pays – dans lesquels ils sont sur-représentés grâce à feu Jean Paul II -, un combat de tous les instants. Sans doute plus farouchement et ouvertement qu’ailleurs, contre toute idée de dépénalisation. Qu’elles qu’en soient les raisons. Alors que ces mêmes milieux avaient soutenu, voire béni les pires crimes commis durant les récentes dictatures.

Va comprendre! Va comprendre pourquoi, dans ce même sous-continent, des pays comme le Venezuela et la Bolivie, qui passent pourtant pour les plus à gauche des pays latino-américains, les plus « révolutionnaires », interdisent encore et toujours l’avortement. Bien loin qu’ils sont pourtant des influences de qui tu devines. En apparence!

En apparence seulement, car confrontés qu’ils sont à une religiosité populaire entretenue sans mal par les élites blanches, conservatrices voire ultra-conservatrices, à leurs convenances, devrais-je écrire, mais également à coups de peurs et de promesses d’enfer par les sectes évangéliques et pentecôtistes. Toutes sous l’influence du puritanisme de mouvements qui fleurissent aux Etats-Unis. De plus en plus présents en Amérique latine. Y compris en Bolivie et au Venezuela.

Comme quoi on peut faire sa révolution. Mais avec ce qu’il faut de raisons ennuagées pour ne pas heurter de front cette religiosité populaire. Au point d’oublier de la porter aussi, leur « révolution », en faveur des femmes. De leurs libertés. Contre le machisme d’une société! L’essentiel, dans le cas qui nous occupe: la liberté de la femme à décider. Pour elle-même. Ce qu’aucun homme au monde n’a le droit de faire pour elle!

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2 commmentaires à “Lettre à un ami – De la liberté de la femme à décider. Pour elle-même. Ce qu’aucun homme au monde n’a le droit de faire pour elle!”

  1. brigitte 10 juillet 2017 at 06:22 #

    Très bon article qui démontre bien le non sens de la nature humaine surtout quand on sait qu’interdire l’avortement dans des pays comme le Pérou ,la Suisse et ailleurs de nombreuses femmes ont subi des stérilisations forcées reléve ni plus ni moins du non sens
    Ce qui me fait penser à une époque ou enfant il ne fallait pas saluer des inconnus mais il fallait dire bonjour à monsieur et madame tout le monde
    Mais il n’y avait pas internet donc l’humain était d’autant plus facile à embobiner et de nombreuses ONG ont su comme au Pérou en profiter largement et ce qui n’est que temporaire pour faire partie du moule des conformités qui sont aussi changeantes que les effets lune soleil sera source de nombreux drames dont les effets sont durables et très souvent irréversibles

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    Sima Dakkus Rassoul 10 juillet 2017 at 07:06 #

    Bel article! Pour ses lecteurs, le livre récent de Janine Massard, Question d’honneur, chez Bernard Campiche, roman inspiré d’un fait réel qui relate une telle histoire en terre vaudoise d’après-guerre.

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