« Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes »


« Les malheurs particuliers font le bien général; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers et plus tout est bien ». Telle est la philosophie de Pangloss, le maître de Candide dans le conte de Voltaire.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

Adolescents, nous en croyions à peine nos yeux en découvrant ce texte. L’auteur avait le goût de la critique pointue et de l’ironie. En feuilletant les pages jaunies par le temps de “Romans et contes” de Voltaire, il me vient naturellement à l’esprit le déchirement contemporain entre l’espoir et le pessimisme. Confusion entre le rêve d’une société et ce qu’elle en fait dans la réalité.

« En Westphalie, dans le château de M. le baron de Thunder-ten-tronckh, il y avait un jeune garçon à qui la nature avait donné les moeurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide.»

Ainsi débute “Candide ou l’Optimisme” de Voltaire publié en 1759 comme œuvre anonyme. Le fond du conte révèle une critique férocement drôle de son temps, de sa société, de ses mœurs, notamment sur le plan religieux. Voltaire dut s’exiler plusieurs fois à cause de l’audace et de l’acuité de ses écrits.

Le maître Pangloss enseignait « la métaphysico-théologo-cosmolonigologie ». Pangloss qui glosait sur tout comme son nom l’indique. « Il est démontré, disait-il, que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. »

Le jeune Candide l’écoutait attentivement. Puis un jour, il approcha de trop près la jeune Cunégonde, fille du baron et fut chassé du meilleur des châteaux possibles. Un grand voyage autour du monde de Candide permet à Voltaire d’exercer son ironie sur le récit des grands voyageurs, sur l’univers et ses facettes.

Après avoir traversé le monde et vu l’Eldorado, Candide rentre avec quelques-uns de ses compagnons dont le pessimiste Martin, rencontré en route, et Pangloss. Mais il n’a de cesse, quand on lui parle philosophie, de répéter « il faut cultiver notre jardin. »

Aujourd’hui, l’œuvre de François-Marie Arouet, dit Voltaire, a gardé toute son élégance et sa pertinence. Sa lecture offre une pensée à la fois profonde et légère. Une énergie critique, une grande drôlerie et une prodigieuse invention. Et l’été paraît propice à s’arrêter à l’ombre d’un arbre pour méditer sur le voyage de la vie en lisant le destin de Candide, une fable éternelle.

On peut interpréter la mise en question et la critique de cette philosophie d’optimisme à l’extrême comme l’appel à une pensée pragmatique. Cela pourrait se traduire pour nous une manière de sortir d’une logique binaire rationaliste. En ce sens, Voltaire, comme tous les grands, était à la fois de son temps et en avance sur son temps, car le rationalisme naissant deviendra au siècle suivant une voie royale vers le positivisme pointant du doigt le progrès à l’infini, doctrine génératrice de notre matérialisme à tous crins.

Au siècle des Lumières et de la Révolution française, Voltaire s’est élevé avec vigueur et constance contre l’injustice et l’intolérance, notamment religieuse. Et ce n’était certes pas le moindre de ses talents. Mais suivons Candide dans sa conclusion et cultivons notre jardin. Au propre et au figuré, il faut faire œuvre de construction pour que la critique ne reste pas vainement polémique.

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