Le film Dunkerque nous rappelle que l’histoire repasse les plats, même s’ils sont apprêtés différemment


Le long métrage de Christopher Nolan «Dunkerque», actuellement en salle, est digne d’intérêt.

PAR FRANÇOIS MEYLAN

Sur le plan technique d’abord, le réalisateur de «Batman begins» et «Inception», signe une œuvre désabusée sur la guerre. Sans hémoglobine, à l’inverse d’une autre référence du genre qui est «Il faut sauver le soldat Ryan» de Steven Spielbeg. Pour autant, le suspense et l’émotion sont très rapidement au plus haut niveau et ce durant les cent-vingt minutes que dure le long métrage.

Autre prouesse, l’omniprésence d’un ennemi allemand redoutable, particulièrement meurtrier et qui ne montre jamais son visage. Nolan est bien l’un des premiers à consacrer un film entier à cette page de l’histoire de la Deuxième guerre mondiale. Et cet épisode en dit long. Il nous invite à revisiter certaines vérités. Des faits qu’on préférerait ne pas voir. Ayant visionné cette superproduction je n’ai pu que ressentir un malaise.

Il est vrai que l’opération «Dynamo» – sujet du film – est menée rondement. Déclenchée le 26 mai 1940, elle consiste à évacuer vers l’Angleterre le maximum de soldats anglais et français. Ils sont réfugiés et encerclés sur les plages de Dunkerque. Ce n’est plus un débarquement mais un embarquement de la dernière chance pour les quelque 380’000 militaires qui sont condamnés à un sort funeste. En tout cas à l’emprisonnement et à la déportation. Winston Churchill, alors Premier Ministre, estime qu’il sera possible d’en sauver seulement 45000. Mais ce qui est une débâcle alliée ne serait-ce que par les quantités de véhicules, de carburants, de munitions et d’armements abandonnés lors de l’évacuation se révèle finalement comme un véritable miracle en terme de sauvetage de vies humaines. On estime à quelque 365’000 les hommes évacués. Grâce aussi au concours patriotique et courageux de la population côtière britannique qui répond à l’appel.

Néanmoins, l’épisode «Dynamo» n’est que le prélude d’une guerre mondiale qui se soldera par des dizaines et des dizaines de millions de morts. Et c’est là que se situe le message subliminal. Comment on est-on arrivé là? Pourquoi les démocraties occidentales ont-elles laissé faire Hitler? Plusieurs années avant l’évacuation de Dunkerque, on savait déjà que l’on avait affaire à un tyran belliqueux, manipulateur, menteur et non fiable. Lors de l’invasion de la Pologne, du 1er septembre au 6 octobre 1939, la France est encore considérée comme la plus forte armée d’Europe. Pourtant, elle ne bouge pas. L’heure de vérité interviendra quelques mois plus tard avec la débâcle dans la Blitzkrieg, qui jettera le désarroi dans toute l’Europe. En particulier, chez l’allié britannique qui n’en sera que plus dubitatif quant à la fiabilité française.

Le film de Christopher Nolan éclaire également cet aspect. Le monde n’est pas plus incertain qu’autrefois, certes. Mais nous avons à subir une poignée de chefs d’Etat qui se révèlent plus imprévisibles que jamais. Le film «Dunkerque» nous rappelle, 77 ans plus tard, que l’histoire repasse les plats même s’ils sont apprêtés différemment. Et, nous sommes responsables de regarder les choses telles qu’elles sont. Nous assistons à la fois à un désarmement militaire et moral de nos démocraties occidentales et à une passivité lâche et préoccupante devant l’ascension des tyrans.

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