Chronique afghane – L’insécurité, soeur jumelle du pillage organisé


Ou comment faire main basse sur la caverne d’Ali Baba ? Recette simple : fermer les yeux, la bouche et laisser faire.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

Quand on dit Afghanistan, on pense guerre, migration, pauvreté… Le pays est au douzième rang des pays les plus pauvres. La réalité est tout autre. Les richesses du sous-sol afghan sont fabuleuses. Elles se montent globalement, selon les estimations étatsuniennes, à trois trillions de dollars.

Cette information a été révélée par une équipe de chercheurs américains dans les années 2008 et rendue publique. Les médias français et internationaux l’ont signalée. Les Afghans ne pouvaient l’ignorer. Une partie de ces minerais ont certainement aidé la guerre contre les Russes. Qui eux-mêmes ont dû le découvrir. L’histoire du pays nous dira le reste.

À quoi sert une information d’une telle ampleur si elle n’est pas soumise à l’analyse et qu’aucune conséquence politique et financière n’en est tirée au niveau international? Les perroquets de la propagande, que ce soit l’OTAN, les Etats-Unis ou la communauté internationale, parlent de corruption dans le pays, mais préfèrent ignorer l’implication de leurs agents dans le gouvernement même et dans les mouvements d’argent illicites. Mis en place pour appliquer leur programme sans tenir compte des réalités du pays. Pourquoi les médias occidentaux ne s’interrogent-ils pas sur ces questions de détournement massif des richesses afghanes? Par mauvaise conscience ? Par crainte ? Par commodité?

Une enquête récente de Tolonews, chaîne de télévision afghane, révèle que la question reste d’une actualité vitale pour le pays. Dans 31 sur 34 provinces qui constituent le pays, l’enquête montre, documents en main, que les minerais sont extraits de façon illégale et passés en contrebande.

En tout, les pierre précieuses – émeraudes, lapis lazuli, or, pierres de construction, pierre de talc, charbon, lithium, marbre, constituent les mille quatre cents sortes de ressources minières qu’offrent les montagnes afghanes. Les bénéfices pour les Afghans se comptent quotidiennement en vies perdues, soldats et population civile, dans les attaques suicides et autres attentats dont étrangement la sécurité afghane ne parvient pas à arrêter.

Des quatre milliards de dollars annuels que le gouvernement devrait récupérer des contrats en vigueur, seuls cinq cents millions lui parviennent. Où va le reste ? Cinq pour cent de l’argent de la drogue reste pour les Afghans qui y travaillent. Les 95% disparaissent à l’extérieur, dans tous les pays intéressés qui, en apparence, appliquent des lois sévères contre la drogue.

C’est une spécialité du gouvernement actuel dit d’unité nationale, établi par John Kerry qui, en trois ans, n’a pas trouvé le moyen de nommer la totalité des ministres de son cabinet. Une ministre des mines et du pétrole, Nargis Nehan, vient enfin d’être désignée par le gouvernement, mais doit encore être présentée au parlement et obtenir le vote de confiance des député-e-s.

Ce serait trop simple d’attribuer à la seule inefficacité de la politique intérieure afghane ce phénomène parmi d’autres. La stratégie mondiale passe par l’Afghanistan aujourd’hui. Tous les indicateurs montrent ce cœur de l’Asie centrale. Pour parler de la situation géopolitique de ce pays, qui nous paraît lointain, il est impossible de faire l’impasse sur notre responsabilité en Occident. Notamment soumettre à la question la corruption en relation directe avec l’aide fournie à l’Afghanistan. Dont une partie de la contrepartie pourrait être toutes les prédations dont le pays est l’objet.

Un géologue afghan met en garde contre les dangers de l’extraction sauvage pour l’environnement à moyen et long terme, prévoyant des éboulements et des catastrophes écologiques. On ajoute au pillage de la richesse de l’Afghanistan la destruction de la structure naturelle donc une atteinte double à l’intégrité du pays.

L’insécurité en Afghanistan serait-elle le rideau de fumée qui éloigne les curieux pour que les fraudeurs, compagnies et marchands du bien d’autrui puissent vaquer tranquillement à leur pillage ? Et le manque de sécurité sert les talibans, Daesh, Haqqani et autres groupes qui en sont les bénéficiaires. Sorte d’économie réalisée par leurs patrons et commanditaires. Il est probable qu’une bonne partie de l’argent va à la guerre larvée, violente et sans nom qui décime tous les jours la population civile afghane derrière les discours lénifiants des dirigeants du monde et des puissants de tous poils à l’intérieur comme à l’extérieur.

 

 

 

 

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2 commmentaires à “Chronique afghane – L’insécurité, soeur jumelle du pillage organisé”

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    François Meylan 8 août 2017 at 04:58 #

    Article à la fois utile et très bien écrit. À partager et à en débattre.

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    Sima Dakkus 8 août 2017 at 12:39 #

    Merci François.

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