Chronique afghane – Le masque économique de la guerre

Sombre record: la guerre d’Afghanistan est la plus longue dans laquelle les Etats-Unis se sont engagés.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

Il y a deux semaines, le directeur de la CIA, Mike Pompeo, a rendu une visite impromptue au gouvernement afghan. Le chef des renseignements américains se déplace rarement. Rien n’a filtré officiellement du contenu de ses discussions avec les deux dirigeants afghans.

Deux jours plus tard à peine, une émission de la télévision afghane Khurshid était consacrée au projet de privatisation de la guerre en confiant les opérations militaires à une armée privée Blackwater (1). Pour démarcher auprès des Etats-Unis, le groupe a mis en avant le fait de réaliser une économie importante. Grande idée que de rentabiliser une guerre.

Les intervenants du débat, un député et un sénateur, ont examiné cette possibilité qui aurait été l’objet des pourparlers entre Mike Pompeo et le gouvernement afghan. Le sénateur a expliqué les conséquences néfastes de l’intervention de Blackwater également en Iraq. Par ailleurs, une expérience officieuse du groupe en Afghanistan s’est achevée par une obligation de sortir du pays. Contrairement à l’armée officielle, les armées privées n’ont pas à rendre compte légalement de leurs actions. Deux échecs que l’Afghanistan, déjà meurtri par une longue guerre, voudrait éviter qu’ils se répètent pour ne pas aggraver sa situation difficile.

Depuis, l’ombre de cette privatisation a rencontré les réactions très énergiques des spécialistes et politiciens afghans. Se sont multipliés débats, discussions, hypothèses qui montraient clairement que le pays ne pouvait accepter la solution d’une armée étrangère privée, qui par ailleurs avait déjà connu l’échec. D’autre part, la majorité politique de l’actuel gouvernement américain n’est de loin pas unanime sur la manière d’apprécier le nouveau président. Pour ne citer que le sénateur républicain John McCain.

Depuis plus de six mois, l’Afghanistan attend l’annonce de la décision du président américain concernant sa stratégie pour le pays. En attendant, le gouvernement afghan paraît encore bénéficier du soutien américain.

Le président américain a déclaré que le retrait total des troupes américaines de l’Afghanistan pourrait être une option. Pure coquetterie, car la possibilité que les soldats étrangers sortent d’Afghanistan est nulle. Tous les spécialistes et commentateurs afghans de toute obédience politique le proclament dans les médias. Cette guerre est une intervention constante des intérêts de l’extérieur, notamment les pays voisins et la communauté internationale. Les victimes, elles, sont massivement afghanes.

Sous le règne du roi afghan Amanullah qui a ouvert une page de modernisation du pays, notamment concernant les femmes, le 19 août 1919, l’Afghanistan a proclamé son indépendance. Celle-ci a ensuite été reconnue par l’Empire britannique dont le pays n’a jamais fait partie. Il y a de cela 98 ans.

Selon l’agence Reuter, le secrétaire à la défense, James Mattis, a déclaré qu’après mûre réflexion, le président américain a pris sa décision le 18 août 2017 concernant la nouvelle stratégie pour l’Afghanistan. Il la confirmera d’un moment à l’autre. Un officiel, sous couvert d’anonymat, révèle que la solution choisie serait d’envoyer 3000 à 5000 soldats supplémentaires pour soutenir l’armée afghane.

(1) Lire « Blackwater – L’ascension de l’armée privée la plus puissante du monde » [« Blackwater:The Rise of the World’s Most Powerful Mercenary Army »], Actes Sud, 2008, 392 p, par Jeremy Scahill , écrivain et journaliste d’investigation américain.

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Un commentaire à “Chronique afghane – Le masque économique de la guerre”

  1. Bibi Fricotin 22 août 2017 at 15:50 #

    Lire aussi « Dubai coffre-fort occulte des riches afghans » in Le Monde des 20 et 21 Août 2017… où l´on apprend entre autres que « sur le 110 milliards de dollars injectés dans le pays depuis 2002 par la communauté internationale et surtout par les Etats-Unis, seuls 40 sont restés en Afghanistan ». Voir aussi le rôle de la Kabul Bank, grande lessiveuse au service de la corruption. Bref, entre les talibans d´un côté et une certaine élite afghane de l´autre, ce pays est vraiment à plaindre.

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