Dictature et violence


Entre une dictature de gauche ou une dictature de droite, l’une est-elle préférable à l’autre?

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

Partant des éloges adressés par certains politiciens au défunt leader cubain, le journal en ligne libéral français Contrepoints observait récemment un « état d’esprit particulièrement bienveillant à l’égard des dictatures communistes, en dépit des faits avérés les plus cruels ». Force est de reconnaître que la mémoire de Lénine et Mao, pour ne prendre que deux ténors du collectivisme, bénéficie d’une certaine tolérance dans les milieux intellectuels en raison des circonstances historiques qui ont permis leur irrésistible ascension. Le consensus médiatique salue leur combat contre l’oligarchie, il honore le romantisme contestataire. Pourtant le système mis en place par ces monuments du communisme a sévi par la force souvent la plus abjecte.

Pinochet et ses coreligionnaires argentins ou brésiliens n’ont pas eu ce privilège, si l’on peut dire, car leur prise du pouvoir sanglante ne résultait pas vraiment d’une dérive autoritaire basculant dans l’arbitraire et la répression. Avec Allende, par exemple, la démocratie tenait encore à un fil. Le coup d’Etat militaire relevait d’une logique d’anticipation, il visait officiellement à écarter tout danger d’installation à la tête du pays de structures communistes, donc pro-russes ou chinoises, au profit d’une petite élite économique. Il en va de même de l’avènement de moult tyrans d’Asie et d’Afrique, mis en place avec l’aide fort peu désintéressée de la CIA. Cette absence de motivations honorables explique la mauvaise réputation des dictatures de droite. Celles-ci n’ont jamais inspiré une fascination débridée dans la littérature.

A l’inverse, les dictatures sanguinaires animées par les artisans des révolutions rouges, en Russie-URSS (Lénine dès 1917, puis Staline quelques années après), ou en Hongrie (Bela Kuhn, 1919) n’empêcheront pas des écrivains et cinéastes de sublimer les hauts faits de la légende marxiste. Eisenstein célèbre les mutins du Potemkine mais Costa Gavras évitera plus tard l’écueil du partisanisme en zoomant à la fois sur les sombres machinations des colonels grecs (“Z”) et la logique totalitaire stalinienne (“L’Aveu”).

La révolution, c’est bien connu, finit par dévorer ses enfants, surtout les plus turbulents. Que dire des héros au physique de jeune premier qui ont tant fait pour inspirer les artistes? C’est son destin tragique qui a promu le Che, figure mythique de la résistance à l’establishment latifundiaire, en figure éminemment populaire. Peu importent les crimes qu’il a ou aurait commis, l’histoire continuera à le statufier parce que ses assassins ont profité de sa disparition pour consolider des systèmes honnis.

L’idéal égalitaire peut-il dès lors légitimer toutes les tyrannies? La réponse est sans nul doute négative. Dans un dossier consacré à la révolution russe, “Campus” , magazine de l’Université de Genève, titre en citant l’historien Georges Nivat: “Octobre 1917, c’est la naissance du totalitarisme”. Une évolution pressentie dès le siècle précédent par le rebelle Bakounine: «Nous sommes convaincus que la révolution […] lorsqu’elle se trouve concentrée entre les mains de quelques individus gouvernants, devient inévitablement et immédiatement la réaction».

Quelle que soit sa motivation, la dictature ne mérite aucune justification. La haine du possédant droit dans ses bottes d’exploiteur de la masse laborieuse, cliché de l’imagerie populaire, ne vaut jamais l’installation d’un régime de terreur, où la violence se nourrit de la violence dans une spirale inique de règlements de comptes.

A méditer en cette période où la démocratie recule.

 

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Un commentaire à “Dictature et violence”

  1. La Méduse 22 septembre 2017 at 07:59 #

    Un peu dans cet esprit: “La Chine sacrifie une croissance durable au joug du politique”
    https://yvesmontenay.fr/2017/09/18/la-chine-sacrifie-une-croissance-durable-au-joug-du-politique/

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