Chronique catalane – Les trois singes de la sagesse, ne pas voir le mal, ne pas entendre le mal, ne pas dire le mal


M. Rajoy président du gouvernement espagnol est revenu hier de Bruxelles, fort satisfait du soutien inconditionnel qu’il a pu obtenir des leaders des pays les plus influents de l’Union Européenne, Mme Merkel, M. Macron.

PAR FRANÇOIS GILABERT, Barcelone

Le conflit avec le Premier ministre belge, M. Michel, qui réclame une médiation internationale, a été, selon M. Rajoy, résolu. La déclaration unanime de la Commission européenne reprend, à quelques nuances près, les mêmes termes que M. Rajoy: il s’agit d’un problème interne à l’Espagne et de respect à la constitution espagnole. Reste que la question catalane suscite énormément d’inquiétude chez de nombreux députés et chefs de gouvernement de petits pays: la Belgique notamment, la Slovénie, l’Irlande, le Luxembourg et les pays nordiques. Même si, selon les dirigeants européens, MM. Juncker, Tusk et Taviani, cette question ne mérite pas davantage de débats.

Ces mêmes dirigeants européens ont été invités hier par le roi d’Espagne Philippe V à assister à la remise des prix “Princesse des Asturies”. Cette cérémonie qui récompense annuellement des personnalités espagnoles pour leur travaux dans toute discipline, s’est transformée en véritable acte d’affirmation patriotique. Le roi Philippe V en a profité pour relever que “l’Espagne résoudra l’inacceptable tentative de sécession d’une partie du territoire national”. Il donne ainsi son soutien à son Premier ministre Mariano Rajoy en faveur de l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole. MM. Juncker, Tusk et Taviani ont reçu chacun un diplôme en remerciement chaleureux pour leur “admirable” travail à la tête de la Communauté européenne. Au terme de la cérémonie, M. Tajiani, actuel président italien du parlement européen et l’un des fondateurs de “Forza Italia”, a loué l’éclat des drapeaux espagnols agités à son arrivée au théâtre Campoamor d’Oviedo (Asturies) et s’en est pris avec véhémence aux nationalismes et populismes qui menacent l’Europe. Il a terminé ainsi son discours: “le respect du droit n’est pas seulement une option mais une obligation”. Propos inquiétants qui ne font aucune référence au dialogue, à la prise en considération démocratique des conflits, les lois étant inamovibles et indiscutables.

Les trois singes de la sagesse peuvent ainsi illustrer l’attitude des trois leaders européens: “ne pas voir le mal, ne pas entendre le mal, ne pas dire le mal”. L’article 155, de quoi s’agit-il? C’est un article de la Constitution espagnole, jamais utilisé jusqu’ici et juridiquement flou dans son application qui permettrait, encore faut-il que les lois le permettent et que le Sénat l’approuve, de suspendre l’autonomie de la Catalogne afin que celle-ci respecte et agisse selon le droit constitutionnel. Dans les milieux politiques en Catalogne et en Espagne, on parle d’une suspension du statut d’autonomie de la Catalogne, la destitution du président Carles Puigdemont et la dissolution de son gouvernement pourtant élu par le peuple, la mise sous tutelle du département de l’économie, des forces de sécurité (police catalane), des médias et communication du gouvernement que le gouvernement catalan finance (TV3, Catalunya radio, l’équivalent de la RTS), la tenue de nouvelles élections autonomistes le plus tôt possible. Révélateur de ce que cela pourrait signifier comme mesures répressives contre un gouvernement élu au suffrage universel.

Ce matin, s’est réuni en séance extraordinaire le Conseil des ministres du gouvernement espagnol, déterminé à statuer sur la concrétisation de l’application de l’article 155 de la Constitution espagnole. Les termes utilisés par le conseil des ministres sont éloquents: “désobéissance rebelle”. La demande de dialogue du Président de la Catalogne est enterrée, remplacée par des mesures répressives qui ne tiendront pas compte de la légitimité du gouvernement de la région.

Les dernières nouvelles officielles qui nous parviennent concernant le référendum d’indépendance en Catalogne du 1er octobre 2017 font état de 1066 blessés, dont 23 personnes de plus de 79 ans et deux enfants de moins de 11 ans. Les deux dirigeants de l’Assemblée Nationale Catalane et de l’Omnium cultural, mouvements pacifiques et hors partis, sont toujours en prison. Les enquêtes en vue d’inculper les responsables de l’organisation du référendum et le chef de la Police catalane se poursuivent. Une manifestation massive était prévue samedi 21 octobre 2017 à 17h00 (photo capture d’écran), moins en faveur de l’indépendance que pour dénoncer l’attitude répressive du gouvernement espagnol et défendre les droits et libertés démocratiques de tous les citoyens.

Barcelone, 21 octobre 2017, 17h45. Photo capture d’écran

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