Les boussoles de la Méduse – Comment démontrer la viabilité d’un modèle d’entreprise citoyenne

La framboise, le galanga, le gingembre, les fleurs de sureau sont la dernière collection d’Opaline. Progressivement la société de jus et de nectars en fruit poursuit son essor dans toute la Suisse. Rencontre avec Fanny De Vos, l’une des 6 micro-entrepreneurs de la société.

PROPOS RECUEILLIS PAR EDGAR BLOCH

Depuis 2009, Opaline élabore des jus, des nectars et des bulles de fruits en Suisse, en étroite collaboration avec les maraîchers de notre pays. Tous ces produits sont naturels. Ils sont pressés à base de fruits frais et donc sans concentrés. Quel est le secret de votre réussite?
Fanny De Vos: Je pense que la notion d’authenticité de fruits élaborés sans colorants et conservateurs passe au premier plan de notre succès. A l’origine, Sofia de Meyer, qui a lancé Opaline, a débuté dans une cuisine. L’ancrage local en Valais et la volonté de revenir à la valorisation de la nature entraîne du respect. Tout comme pour le vin, les assemblages sont artisanaux, chaque variété de fruit, du plus sucré au plus acidulé, évolue d’année en année et impacte la qualité du jus. S’ajoute à cela l’envie de parvenir à un produit éthique et durable. Autrement dit, Opaline est conçue autour d’un écosystème où les acteurs de la chaîne adhèrent aux notions de bienveillance, de confiance et d’amour pour la nature et mènent une gestion d’entreprise intuitive et fondée sur l’agilité de chacun de nous.

Outre ces éléments, qu’est-ce qui vous motive et vous rend fière de travailler dans cette entreprise?
Avec Opaline, nous sommes parvenus à démontrer la viabilité d’un modèle d’entreprise citoyenne, c’est pour moi une gratification fondamentale. D’autre part je côtoie des gens passionnés par leur métier, du petit épicier au restaurateur, du boulanger à l’hôtel cinq étoiles, je suis touchée par ces échanges qui m’inspirent à chaque fois. C’est un partage qui me fait grandir.

Opaline vient d’être distinguée en septembre du prix Best for the World de Bcorporation, une ONG qui sélectionne près de 2200 entreprises dans près de 75 secteurs d’industrie de 50 pays. Cette récompense honore la valeur sociétale et environnementale des entreprises. Qu’est-ce que cela vous inspire?
Ce prix est l’occasion pour nous de réaliser l’impact concret de nos actions et de confirmer que notre quête pour une économie, où l’impact social et le respect de l’environnement figurent au premier plan, s’inscrit dans un mouvement global. C’est encourageant! Et puis, il y a la reconnaissance envers notre communauté qui adhère à notre vision et y participe. Chacun des acteurs de notre chaine de valeur a donc contribué à l’obtention de ce prix à sa manière. On dit souvent, l’union fait la force et chez Opaline c’est cette force qui nous nourrit chaque jour. Finalement nous sommes aussi très fiers d’arborer les couleurs du pays exceptionnel qu’est la Suisse auprès de la communauté internationale. Parmi les six entreprises suisses distinguées, Opaline est la seule dans le secteur de l’alimentation.

Pouvez préciser cet engagement social?
Parmi nos 7 collaborateurs, tous sont invités à participer au capital de l’entreprise, la rémunération est linéaire, nous travaillons avec des ateliers protégés, des marges équitables sont réparties entre chaque partenaire de notre chaîne de valeurs.
Au dela de l’engagement social, il y a aussi notre engagement envers la nature, justifié par l’achat local de nos fruits, une amélioration de l’impact environnemental de notre production et la sensibilisation de notre communauté à la valorisation de la nature.
Pour toutes ces raisons Opaline est une entreprise ‘responsable’, l’achat d’une Opaline devant être considéré comme un acte citoyen.

Où travaillent les collaborateurs et collaboratrices d’Opaline, dans les bureaux d’Orsières, domicile et bureau des fondateurs Sofia et Ludovic, ou bien de chez eux, sur vos marchés, chez les maraîchers?
Mais partout, nous sommes incroyablement flexibles. Nous vaquons à nos occupations aussi bien depuis notre maison, que sur le terrain, près des presses, là où se trouvent nos stocks, qu’auprès de nos clients que nous nommons nos ambassadeurs, soit les hôteliers, les épiciers ou les boulangers, ou encore en me rendant à la fiduciaire ou en rencontrant un journaliste comme vous. Nous partageons tous le privilège de pouvoir concilier les besoins de l’entreprise et de la famille. Nous nous retrouvons tous les trimestres pour faire le point, soit dans la cuisine de Sofia et Ludovic à Orsières, en Valais, soit chez certains de nos partenaires. Nous communiquons aussi une fois par semaine tous les sept par skype. Pas nécessaire de se voir plus souvent, nos fonctions respectives sont claires et nous nous comportons tous en micro-entrepreneurs.

Comment suivez-vous vos ventes?
Nous procédons à une analyse mensuelle, ce qui nous permet de réagir rapidement et efficacement. Chacun a conscience à combien de litres vendus correspond son salaire et ça nous stimule à ne pas franchir la ligne rouge, même si les fins de mois peuvent parfois être difficiles et entraîner une chute des revenus de l’entreprise.

Vos prix sont un peu plus élevés que les sodas. Vous ne visez qu’un public à fort pouvoir d’achat?
Non, absolument pas. Nous proposons une alternative qui est celle de ‘consommer moins mais mieux’, de procéder à un achat réfléchi au lieu d’un achat impulsif souvent conditionné par le principe du ‘discount’. Le prix de nos produits est le prix juste car nous pouvons en expliquer chaque étape. Notre marché l’a bien compris, notre croissance le prouve.

Au fond, pourquoi acheter un jus de fruit Opaline plutôt qu’un autre?
Parce que c’est un produit responsable, local et citoyen. La traçabilité, la qualité et l’impact positif sont au rendez-vous. Combien d’entreprises aujourd’hui communiquent leur engagement environnemental et sociétal ? Choisir Opaline c’est concrétiser, respecter, refléter cet engagement.

Décrivez-nous vos filières de production maraîchères?
95% des fruits achetés sont cultivés par les maraîchers du Valais. A quelques exceptions près comme les tomates que nous prélevons auprès de la famille Blondin à Genève. Il nous arrive aussi de faire appel à des coopératives, parce que les maraîchers y sont affiliés.

Comment sélectionnez-vous les maraîchers?
Nos partenariats s’inscrivent toujours dans la durée. Cet engagement se concrétise parfois par une simple poignée de mains. Cette manière de faire marche bien, nous ne sommes jamais déçus. Parfois ce sont des maraîchers qui approchent Ludovic, notre acheteur maison.

Pouvez-vous nous citer quelques bonnes enseignes qui ont acheté Opaline?
L’hôtel Starling à côté de l’aéroport de Genève, le Grand Hotel Park de Gstaad ou le Dolder Grand Hotel à Zurich sont parmi nos clients. Je peux aussi évoquer la boulangerie Boillat ou les cliniques Hirslanden à Lausanne ou encore les épiceries Terre Vaudoise. Pour nous, chacune des 1800 enseignes avec qui nous collaborons est considérée comme une ‘bonne’ enseigne au même titre que les autres.

Opaline en chiffres
7 collaborateurs, un chiffre d’affaires à 6 zéros, un volume annuel de vente en litres de jus à 5 zéros, 1’000’000 de bouteilles, 1800 points de ventes, 300 tonnes de fruits. Opaline a été fondée par Sofia de Meyer et Ludovic Orts en 2009, entourés aujourd’hui de six cinq autres micro-entrepreneurs. Le chiffre d’affaires est en croissance constante, tout comme les litres de jus vendus. Les points de vente se développent dans toute la Suisse. Dans l’idée de contribuer à la durabilité du patrimoine agricole et à l’essor d’une économie de sens, la création d’une fondation dont l’objectif sera d’accompagner d’autres artisans dans une transition à l’économie circulaire, est à l’étude.

Fanny De Vos
Chargée des ventes en Suisse romande, du marketing et de la communication d’Opaline, Fanny De Vos a rejoint l’entreprise en janvier 2014. Elle s’est attelée à développer sa structure de distribution. Auparavant, elle a effectué des études en HEC en gestion d’entreprises à l’UNIL et travaillé dans des multinationales. Elle est mère de deux enfants.

Procure Swiss Magazine

Fanny De Vos. Photo E. Bloch, 2017

 

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2 commmentaires à “Les boussoles de la Méduse – Comment démontrer la viabilité d’un modèle d’entreprise citoyenne”

  1. Donata Pugliese 27 octobre 2017 at 18:20 #

    Excellent produit, je confirme. Je ne connaissais pas le contexte du concept et surtout de la fabrication, c’est d’autant plus convaincant.

  2. heizmann 29 octobre 2017 at 10:18 #

    Micro-société certes, mais après le régime sans sel, est-ce vraiment indispensable d’appliquer le régime sans chaise…

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