Fiction et réalité, Nobel, la paix à tout prix, les forces spéciales norvégiennes en Afghanistan


D’emblée le titre de la série, Nobel,  éveille l’attention. La série créée en 2016 a remporté le prix Europa 2016 et le prix Rose d’Or en 2017. Les deux dernières épisodes sont visibles sur la RTS et le tout sur la toile.

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

À peine lancé, on est accueilli par une voix martiale « ne vous méprenez pas : le mal existe dans le monde. La non-violence n’aurait pas pu arrêter les armées d’Hitler… Les Chefs d’Al-Quaïda n’y entendent rien aux négociations… ». L’excellence des séries nordiques sonne comme une provocation.

Un générique en noir et blanc, aux qualités d’un blues, avec la chanson de Ary, chanteuse norvégienne à la voix magique. La série Nobel, dans la déstabilisation qu’elle opère dès l’abord  fait surgir des questions et met les spectateurs devant une dynamique de choix. La raison d’État et son mystère sacré qui déguise un assassinat politique en affaire conjugale. Une méditation sur l’amer fond des choses.

La force d’une bonne série consisterait-elle à appeler la proximité du public ? Paradoxalement, plus les écrans de télévision sur lesquels on les regarde s’agrandissent, plus cette intimité s’accentue. Tous les paramètres artistiques, telle que la densité des hommes et des femmes qui jouent les personnages, leur art, une parfaite direction d’acteurs de Per-Olav Sorensen, la manière de rendre les choses sensibles sont pourtant communs au cinéma et aux séries.

Le prix Nobel n’est pas seulement un écho du titre, mais sera inscrit dans la série avec l’intrusion de la diplomatie internationale sur le choix d’un candidat. Les rapports de classe que dénote « Nobel » en norvégien pour décrire les nantis d’une société à deux vitesses font également partie de l’histoire. Un croisement entre les intérêts politiques et économiques. De justesse, le prix Nobel ne sera pas attribué à une organisation humanitaire norvégienne en Afghanistan qui couvre un trafic de drogue en réalité. Et le suspense est maintenu jusqu’au bout.

La vie des personnages partagée entre leur intimité et leur image publique mène à pouvoir comprendre les facettes et les différents niveaux de ce drame à la fois personnel et universel. Avec la trame de l’intrigue se clarifient peu à peu les jeux qui font des femmes et des hommes tant des marionnettes que des êtres complexes. L’agent Erling, de retour de Kaboul chez lui, symbolise cet état entre deux mondes, deux réalités, y compris intérieures.

Les gros plans font des personnages des personnes, comme si on partait à la recherche des traces de l’humanité qui gît en eux. Au centre, l’agent secret Erling parle à sa femme, presque comme à lui-même, et raconte ceux qu’il a tués. Il se demande pourquoi il ne ressent aucune compassion lorsqu’il s’agit des Afghans, alors que la mort des soldats norvégiens le touche terriblement. Cette scène n’aurait pas la force d’interrogation presque métaphysique sans le cadrage proche du visage et les larmes de sa femme.

Dans la pauvreté uniforme de l’information sur l’Afghanistan, voire la désinformation, le traitement du sujet de la guerre et de la présence des services secrets étrangers dans le pays  renforce l’épaisseur du sujet dans sa forme de fiction. La fable peut-elle mieux situer des événements plutôt que de montrer de la violence sans en figurer les fondements, laissant les spectateurs hébétés devant leur émotion et leur impuissance ? Le cinéma, le septième art, ne tient plus le haut du pavé. Les séries, faites dans les règles de l’art, une sorte d’excellence nordique en particulier, le talonnent par la finesse, la valeur artistique et la profondeur du pourquoi des choses.

Qu’est-ce que la guerre ? les attentats ? le nombre de victimes inconnues ? à quoi et à qui servent les soldats. Qu’en est-il des intérêts et les conversations politiques entre forces alliées, mais axées sur leurs profits sur le dos du pays frappé par les bombes. Tuer des innocents comme dégâts collatéraux des pouvoirs de la puissance et de l’argent est aujourd’hui admis généralement comme inéluctables par les parties en présence. Et l’individu, lui demande-t-on son avis sur l’immensité du sacrifice?

La guerre avec le masque de la paix, Nobel, la paix à tout prix.

If you ever reach the bottom of the sea
Don’t look for me,
I will be dead, long a go

Si jamais tu touches le fond de la mer
Ne me cherche pas
Je serai mort depuis longtemps

Paroles de la Chanson du générique – Ary “The Sea”

 

 

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