La protection des réfugiés palestiniens sous pression


Israël veut la disparition de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestinens, accusée de perpétuer leur statut.

PAR MICHEL BÜHRER

Le 16 janvier 2018, le président Trump annonçait le gel d’une partie de la contribution américaine au budget de l’Agence des Nations Unies qui a le mandat, depuis 1949, de fournir de l’aide aux réfugiés palestiniens. En réaction, le 15 mars une conférence de donateurs a généré des promesses de financement à hauteur de 100 millions de dollars, un «important premier pas» a commenté le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, mais qui ne comblera pas le trou de 446 millions prévu pour 2018 après la décision américaine.

Cette défection a relancé les critiques israéliennes contre l’UNRWA, accusée de longue date d’avoir un agenda anti-israélien et de perpétuer le statut des réfugiés palestiniens au lieu d’y apporter une solution. Selon les médias israéliens, le gouvernement ne serait toutefois pas favorable à une coupe drastique du financement de l’agence, qui risquerait de créer de graves problèmes humanitaires et sécuritaires.

L’UNRWA fournit en effet une aide parfois vitale aux réfugiés de Gaza et de Cisjordanie, ainsi que de Jordanie, de Syrie et du Liban. Par contre, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, comme l’ensemble de la droite, ne cesse de répéter depuis des années que l’UNRWA devrait être démembrée et sa fonction transférée au Haut commissariat aux réfugiés, le HCR, qui s’occupe de tous les autres réfugiés dans le monde. Selon Israël, cela mettrait fin à la transmission de ce statut d’une génération à l’autre, qui a fait passer le nombre d’inscrits à l’UNRWA de 750 000 en 1949 à 5,2 millions en 2007. L’idée serait ainsi de «dissoudre» la question des réfugiés palestiniens en la transmettant à une agence chargée de lui trouver une solution.

Or une telle institution avait été créée en même temps que l’UNRWA en 1948 (avant la création du HCR), exactement dans ce but. Cette «Commission de conciliation pour la Palestine» (UNCCP), avait pour mandat «d’assister les gouvernements et autorités concernées à trouver un accord final sur toutes les questions non résolues». Parmi elles la situation des réfugiés, dont l’immense majorité avait été chassée au cours du conflit qui suivit la création d’Israël.

Israël prôna leur réinstallation dans les pays arabes

L’UNCCP voulait en priorité leur rapatriement (retour sur leur terre dans le nouvel Etat) ainsi que de justes compensations pour ceux qui choisiraient de ne pas revenir. Israël refusa et prôna leur réinstallation dans les pays arabes. Ces derniers s’y opposaient, soutenant le rapatriement. Devant cette situation, l’UNRWA fut chargée de s’occuper des réfugiés là où ils se trouvaient.

Le mandat de l’UNCCP incluait le rôle de protection dévolu plus tard au HCR. Selon l’organisation palestinienne BADIL toutefois, le double mandat contradictoire de l’UNCCP – protection d’une part, conciliation de l’autre – aurait limité son action aux aspects les moins controversés, à savoir l’évaluation des biens des réfugiés en vue de compensation. Le blocage dure depuis. L’UNCCP a cessé d’être active depuis le début des années 60. Elle existe toujours en théorie, mais elle n’a plus ni staff, ni budget, et personne n’en entend plus parler. Reste l’UNRWA, fondée dans le but de fournir une assistance humanitaire et du travail aux 750’000 réfugiés palestiniens.

Juste après, en 1950, les Nations Unies créent le Haut commissariat aux réfugiés (HCR). Il est chargé notamment de la «protection internationale» des réfugiés et d’aider les parties à conclure des arrangements définitifs («permanent solutions»). Ceux de Palestine, déjà inscrits à l’UNRWA, en sont exclus pour éviter les doublons. Ainsi, le mandat de protection des droits des «réfugiés de Palestine», selon l’appellation officielle, et de recherche d’une solution permanente passa au second plan des agences onusiennes avec la mise en sommeil de l’UNCCP.

«Quelle que soit leur nationalité»

L’UNRWA de son côté a continué son mandat de service auprès des réfugiés de Palestine, à savoir des territoires ayant fait partie du Mandat britannique, «quelle que soit leur nationalité» (aujourd’hui Cisjordanie, Gaza, Jordanie, Liban, Syrie). Au fil des ans, son aide s’est structurée sur trois piliers: santé, éducation et services sociaux.

Un mandat de «protection passive» a été ajouté par les Nations Unies dès le début des années 80. En 2014, une brochure de l’UNRWA notait que son rôle incluait la promotion des «droits des réfugiés de Palestine dans le cadre du droit international», dont la surveillance et la dénonciation de la violation de ces droits. Mais l’UNRWA n’a pas vocation à trouver une solution durable.

Le HCR a un rôle de protection légale plus actif, basé sur la Convention des Nations Unies sur les réfugiés, dont le mandat est d’œuvrer à trouver des solutions définitives, en accord avec les gouvernements et les réfugiés eux-mêmes. Autrement dit similaire à celui de l’UNCCP, dans le coma depuis plus de 50 ans…

Il a été impossible d’obtenir un avis du HCR sur une comparaison précise des mandats, malgré plusieurs semaines de sollicitations!


1,2 milliard en 2016

Les Etats-Unis sont le premier contributeur de l’UNRWA avec 368,4 millions de dollars en 2016 (derniers chiffres disponibles), devant l’Union européenne (159,7 millions), puis l’Arabie Saoudite (148 millions). La Suisse figure au huitième rang avec 27,7 millions.

En 2016, plus de 100 donateurs se sont engagés en faveur de l’UNRWA pour un total de 1,2 milliard de dollars, dont la moitié est consacrée aux programmes de base (éducation, santé, services sociaux). Les gouvernements sont les principaux bailleurs. L’UNRWA est en charge des réfugiés de Palestine dans cinq territoires: Cisjordanie, Gaza, Jordanie, Liban, Syrie. Ceux qui ont quitté la région sont sous la protection du HCR si nécessaire.

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Réfugié: quel statut?

En l’absence d’accord entre les parties, le statut de réfugié sous protection du HCR persiste aussi parfois durant des décennies et se transmets d’une génération à l’autre. Selon la définition du HCR, sont réfugiés de longue durée («protracted refugees») les populations de 25’000 personnes ou plus, de la même nationalité, en exil depuis 5 ans consécutifs ou plus. Parmi eux, plus de 4 millions sont dans une telle situation depuis 20 ans ou plus. C’est le cas des réfugiés afghans en Iran et au Pakistan, depuis plus de 30 ans.

Selon les termes du HCR, la situation des réfugiés de longue durée est causée par une impasse politique. C’est exactement le cas des Palestiniens. «Un réfugié dans cette situation est souvent incapable de se libérer d’une dépendance forcée à une aide extérieurs», souligne le HCR dans un rapport à son comité exécutif. Un transfert de responsabilité de l’UNRWA au HCR, de ce point de vue, ne changerait rien, sinon de fragiliser la situation humanitaire des réfugiés de Palestine.

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Cet article est paru également sur infosperber.

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