Lettre de Russie – En 1935, Giraudoux écrivait « La Guerre de Troie n’aura pas lieu »


La ville de Toula, à deux cents kilomètres au sud de Moscou, a failli subir le même sort que Leningrad pendant la dernière guerre.

PAR JEAN-MARC BOVY, correspondance de Toula

A l’automne 41, les Allemands étaient déjà à ses portes et en deux mois, ils avaient presque encerclé la ville. Dans un sursaut d’héroïsme, les défenseurs pris au piège avaient réussi à desserrer l’étau et avant la fin de l’année à repousser définitivement les assaillants.

La guerre, les gens de Toula n’ont pas besoin d’un dessin pour leur rappeler ce que c’est. Au musée historique de la ville, situé dans l’enceinte du kremlin, une affiche annonce une conférence sur le siège de la ville intitulée « A deux pas de la guerre ». Comment ne pas faire le rapprochement avec la situation internationale et la nouvelle ronde de sanctions qui pourraient nous amener « à deux doigts de la guerre » ? Le préposé au vestiaire, tout en prenant mon manteau, a lu dans mes pensées : « Mais qu’est-ce qu’ils nous veulent encore ? ». Les nouvelles sanctions infligées par l’Occident alimentent l’inquiétude, mais réveillent aussi un vieux sentiment de résistance. « Les sanctions sont bonnes pour nous. Elles nous apprennent à nous suffire à nous-mêmes et nous avons tout ce qu’il nous faut».

Il n’est pas difficile ici de croire à la menace réelle d’un conflit, qui pourrait se transformer en en affrontement planétaire. Les marques de la dernière guerre sont encore bien présentes. Dans la bucolique propriété de Tolstoï, à huit kilomètres de Toula, la guide nous montre sur des photos l’état dans lequel les Allemands ont laissé la bibliothèque du romancier et vieux pacifiste barbu, avant de battre en retraite.

Contraste : La démocratique et pacifique Europe cherche elle à se faire peur par des attaques imaginaires, sans penser une minute que des va-t-en-guerre jouent avec le feu. L’Angleterre avait déjà donné l’alerte en janvier dernier. Son nouveau ministre de la Défense Williamson avait déclaré dans une interview au Telegraph que la Russie espionnait son réseau de communication et prévenu des dangers d’une possible «agression russe» pouvant causer des milliers de morts. Mais cette fois-ci la presse n’y avait pas cru et le Daily Mail révélait que Williamson avait lancé ce bobard pour détourner l’attention et masquer le scandale d’une liaison extraconjugale qu’il avait eue en 2004 ! Aujourd’hui, le Secrétaire à la Défense remet ça et il n’a plus rien à cacher.

En 2016, le vénérable Chomsky nous avertissait : il est minuit moins trois, soit deux minutes de moins qu’au pire moment de la guerre froide. Une autre Cassandre américaine, le Professeur Stephen Cohen, continue de répéter à longueur de semaines sur la dernière petite chaîne de radio new yorkaise où on veut bien lui donner la parole, que la situation est bien plus dangereuse qu’au pire moment de la crise des missiles de Cuba. Faut-il le croire ? Ou au contraire, les jappements du caniche britannique face à la placidité de l’ours russe, ne font que trahir son impuissance ?

En 1935, Giraudoux écrivait « La Guerre de Troie n’aura pas lieu ». A quel acte en sommes–nous aujourd’hui ?

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