L’Afghanistan dans le miroir de ses médias – La longue présence étrangère n’a pas réussi à éradiquer la terreur


À quels jeux joue la communauté internationale dans le conte cruel en Afghanistan ? Son intérêt justifie-il des millions de morts pour quelques poignées d’une richesse aussi alléchante soit-elle ?

PAR SIMA DAKKUS RASSOUL

“Nous voulons protéger les citoyens européens en recourant à tous les moyens disponibles, et il n’y a pour ce faire pas de meilleur partenaire que l’OTAN. C’est pourquoi nous sommes convenus aujourd’hui de renforcer les liens entre l’UE et l’OTAN dans des domaines qui revêtent une importance capitale.” Cet accord concernant la sécurité signé le 10 juillet et publié sur leur site était un préambule du Sommet de l’OTAN du 12 juillet qui a notamment pris des décisions pour et sur l’Afghanistan.

À cette heure, c’est seule la chose qui soit parfaitement claire. La stratégie trumpienne a pour objectif principal de renforcer sa position en Asie du Sud. Après lui le déluge. La présence officielle en Afghanistan des Etats Unis et de l’Otan dure depuis 2001 si besoin était de le rappeler.

Sigar (Special Inspecteur General for Afghanistan Reconstruction), organisation officielle vouée au contrôle de la bonne utilisation des aides apportées au pays, a rendu son rapport qui fait état de fraude massive et de corruption en Afghanistan. C’est son rôle de contrôler et d’être critique.

Comment en rendent compte nos médias et que font les médias afghans?  De notre côté, nous n’avons sur l’Afghanistan que des descriptions des événements que l’on appelle « faits ». Telle explosion, telle affirmation des Etats-Unis, de l’OTAN et tous les sujets censés séduire le grand public et qui font verser des larmes de crocodile. À quoi bon?

Second aspect, vital, pour les pays en guerre – depuis quarante ans pour les Afghans – et les pays fragilisés, c’est que le monde de ce qu’on appelle l’information s’est élargi aux réseaux sociaux. Et nous voilà partis sur la piste des fake-news – in English please. Ce phénomène n’est pas pris en compte dans les médias mainstream ou alternatifs. Ces derniers tentant, dans la mesure du possible, de remplir l’inanité de ce que l’on appelle information basée sur les faits. Difficile à étayer par le contexte des faits si on ne les montre pas.

La manipulation des médias comme organe de propagande est un élément essentiel et très complexe pouvant aller jusqu’à la désinformation. Dans l’exemple afghan, il circule en ce moment des nouvelles paraissant dans les médias américains et occidentaux non confirmées par les gouvernements concernés. La dernière étant que la Chine établirait à sa frontière, une centaine de kilomètres de frontière commune avec l’Afghanistan, une structure pour former les soldats afghans. Nouvelle énergiquement niée par le gouvernement chinois.

S’opère ainsi une mise en abîme, car les médias afghans sont le miroir du pays et l’Afghanistan est le miroir actuel d’une répartition nouvelle du monde entre les puissances dont la Chine et la Russie. Et l’échec de plus de dix-sept ans de la présence étrangère en Afghanistan pose de sérieuses questions aux aides et aux amis du pays.

Il n’est pas rare que l’on exporte ses guerres dans les pays que l’on disait autrefois en voie de développement. L’histoire du colonialisme en fourmille. Pour l’Afghanistan, c’est particulièrement évident, autant par la durée que par l’absence d’efficacité. La terreur n’y a jamais été aussi forte et destructrice. La guerre fait figure de prétexte pour justifier la présence étrangère en Afghanistan.

Les médias afghans débattent avec les spécialistes du pays de ces nouvelles non confirmées, fake ou non, et dépeignent et expliquent la stratégie qu’elles cachent. L’auto-critique formulée par les spécialistes afghans et la critique de l’impuissance gouvernementale font partie de l’information sur les complexités de la situation en Afghanistan.  Comment certaines actions des talibans ou de Daech peuvent-elles se dérouler sous les yeux des troupes et conseillers de l’OTAN et de ses alliés?

Récemment, une protestation des organisations de journalistes s’est élevée contre le manque d’information fourni par les instances officielles du pays, alors que la Constitution leur en donne le devoir. Il est difficile de faire un travail journalistique d’information envers et contre tout .

L’ignorance des réalités du pays et de la région véhicule des clichés plutôt qu’une véritable appréhension par le public de la communauté internationale de ce qui se passe en Afghanistan. Et pourtant, l’enjeu est à la fois régional et mondial, présent et futur.

 

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