Tribune libre – L’Union Européenne navigue à vue, sans veille stratégique ni boussole


Il ne faut pas l’oublier avant toute négociation avec Bruxelles: l’incompétence des responsables de l’Union Européenne est effrayante. L’Union Européenne navigue à vue, sans veille stratégique ni boussole :

  • D’abord, la création de l’euro est une opération politique, dénuée de tout fondement économique rationnel et solide. Un handicap aussi fondamental qu’évident est à l’origine de cette situation : il est impossible de maintenir sous le même taux de change des pays qui ont philosophies, des productivités du travail et du capital si différentes, et en même temps d’assurer un taux de croissance fort et stable pour l’ensemble des économies nationales concernées. La mutualisation des dettes est une utopie. En fait, l’euro est un leurre : c’est comme offrir une cage plus grande à un groupe de singes pour leur donner l’illusion de la liberté retrouvée.
  • Ensuite, la mise en place du système Schengen constitue une mise sous diktat des Etats membres de l’UE, favorisant l’expansion des cultures les plus intrusives. La façon dont la chancelière Merkel a voulu imposer sa gestion de la crise des migrants – ceci sans même consulter son propre parlement,  en dit long sur le respect que la culture allemande peut nourrir à l’égard des autres cultures. En fait Schengen, appliqué sans restriction,  menace dangereusement la survie des ethnies minoritaires et la diversité culturelle de l’Europe, et sert en priorité les intérêts de l’Allemagne.
  • Enfin, au plan de la politique internationale, l’UE accumule les faillites. 
    • L’UE est intervenue sous le couvert de l’OTAN en Afghanistan, en Irak et en Libye – alors même qu’elle aurait justement dû s’abstenir d’intervenir dans ces trois pays, mais par contre neutraliser le régime syrien du dictateur Bachar  pour réduire les flux migratoires. En n’intervenant pas en Syrie, l’UE et les Etats-Unis ont donné à Moscou tout le temps nécessaire pour organiser son soutien au bourreau Bachar et s’installer durablement en Syrie et au Proche-Orient. Et en même temps, l’UE renforçait sa dépendance de la Turquie pour tenter de contenir les flux de réfugiés en Asie.
    • L’UE n’a toujours pas de concept politique et socio-économique à proposer aux pays africains pour les aider à sortir du sous-développement et pour réduire l’émigration vers le continent européen : en clair, la coopération technique est une terrible faillite et personne ne veut l’admettre ! Pire : l’UE n’a pas compris que, sans encadrement approprié, la globalisation favorise les multinationales et les grandes entreprises au détriment des PME et, surtout, des petits Etats. 
    • En outre, faute de volonté politique, de stratégie et de moyens militaires, l’UE est incapable d’assurer sa propre défense. 
    • La relation irréfléchie avec la Turquie du Président Erdogan, qui a accusé l’Union européenne d’encourager le terrorisme en soutenant le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mais qui figure toujours sur la liste des candidats à l’adhésion à l’UE. 
  • Le poids grandissant de l’Allemagne

Depuis les années 1880 environ, l’histoire du continent européen aura été marquée par quatre événements graves majeurs tous générés par l’Allemagne: la guerre de 1880 (Bismarck), la guerre de 1914-1918 (Hindenburg), la guerre de 1939-1945 (Hitler) et la crise migratoire en route dès 2015 (Merkel).

La Chancelière Merkel, éduquée dans un régime communiste autoritaire, a donné libre cours à son penchant dictatorial en voulant imposer sa politique migratoire. Et en poussant ses partenaires de l’UE à choisir le luxembourgeois Juncker pour remplacer le portugais Barroso à la tête de la Commission, la Chancelière Merkel savait parfaitement qu’elle prenait une sérieuse option sur la direction de l’UE. 

  • L’Union Européenne, une farce démocratique

Dans le « Nouveau Vieux Monde, la démocratie vidée de sa substance »,  Perry Anderson décrit à juste titre l’UE comme « un pseudo exécutif, un pseudo législatif, une pseudo démocratie, l’imitation historique de l’absolutisme prussien, où le processus de décision est télécommandé par des entrepreneurs ayant avalisé une construction politique autoritaire et volontairement parcellaire : le déficit démocratique est sans précédent dans l’histoire européenne et le mensonge inégalé au niveau européen – la démocratie est vidée de sa substance ».

Le droit d’initiative et de referendum à l’échelle européenne pour les peuples de l’UE n’existe pas. La liberté d’expression des Etats européens est limitée. Voici deux exemples : d’une part, la Slovaquie a été contrainte de soutenir la Grèce dans ses efforts de réduction de la dette, après que la tenue d’un referendum sur ce sujet ait été refusée par Bruxelles – ceci alors même que le PIB/habitant de la Grèce était à l’époque supérieur à celui de la Slovaquie ; d’autre part, l’UE a interdit au gouvernement grec d’organiser un referendum sur le programme d’austérité imposé au peuple grec.

  • L’Union Européenne – une menace sans précédent pour la démocratie directe

De nombreux politiciens de pays membres de l’UE ont montré publiquement leur rejet de la démocratie directe suisse: 

  • Le politicien allemand Peer Steinbrück, pourfendeur du secret bancaire suisse, qui déclenche une polémique inédite entre la Suisse et l’Allemagne,
  • Le Président allemand Gauck qui n’aime pas du tout la démocratie directe et le fait savoir expressis verbis au Conseiller fédéral suisse Burkhalter,
  • Le Président italien Napolitano qui affiche sa surprise face au fonctionnement de la démocratie directe suisse ;
  • Le Ministre français Montebourg qui a qualifié la décision du 9 février 2014 du peuple suisse de « lepénisme », menaçant la Suisse de représailles, notamment concernant l’exportation de produits suisses ;
  • Le Ministre des AE du Luxembourg Asselborn, qui ose ce commentaire insolent et idiot : « Sur un point aussi important que la migration, j’ai vu que la Suisse était capable de réfléchir comme un Etat européen ».

La démocratie directe suisse fonctionne relativement bien, alors que le système UE s’enfonce de plus en plus dans des problèmes progressivement insurmontables : pour les politiciens et bureaucrates européens, la démocratie directe suisse constitue une menace, car elle met en évidence leur propre incapacité politique.

  • Que faire ?

La dégradation de l’environnement international et la pression croissante de l’UE sur la Suisse exigent une réflexion stratégique innovante. Cette réflexion pourrait avoir la forme d’une analyse SWOT et comprendre les volets suivants :

  • Inventaire des pressions directes et indirectes exercées sur la Suisse. Il faudra bien admette un jour que l’UE a un comportement plus dictatorial vis-à-vis de la Suisse que, par exemple, la Chine vis-à-vis des pays européens, africains ou sud-américains. Peut-on, veut-on y faire face ?
  • Analyse des failles de notre système et des erreurs de nos responsables politiques (p. ex. manque de caractère et prédisposition excessive au compromis ; connaissance insuffisante des dossiers ; méconnaissance de la réflexion systémique, inaptitude à la communication internationale). L’administration fédérale doit passer par une cure d’amaigrissement stricte et, surtout, être soumise à des tests qualificatifs plus exigeants. On relèvera entre autres, que le concours pour accéder à la carrière diplomatique est ridiculement facile par rapport aux tests mis en place par les « chasseurs de têtes » pour évaluer les candidats à une fonction responsable dans le secteur privé. En outre, le principe de la cooptation, trop souvent à l’origine de la promotion de fonctionnaires insuffisamment qualifiés, doit disparaître.
  • La Suisse doit se préparer à faire face à des enchaînements de conflits, et qui dit conflit, dit négociation. Si elle sait se positionner, c’est-à-dire assurer sa neutralité et garder un minimum de distance face à l’UE et les autres grandes puissances colonisatrices, la Suisse pourrait voir sa position internationale renforcée et retrouver, partiellement en tous cas, le rayonnement qui a pu être le sien par le passé. Mais pour ce faire, la Suisse doit « s’affirmer » : en est-elle capable ?
  • Recherche et mise au point de projets nouveaux, susceptibles de repositionner favorablement la Suisse au plan international ; ainsi, le DFAE et les autres départements concernés pourraient lancer au niveau européen une réflexion systémique sur le développement intégré des économies africaines.

Jean-Daniel Clavel, ancien diplomate, ingénieur EPFZ, économiste, Montreux

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